"Notre industrie du vin n'est pas prête pour l'UE car la production nationale ne couvre même pas la moitié de la demande du marché intérieur", explique à l'AFP Ivan Enjingi, un vigneron de Slavonie orientale, dans l'est de la Croatie. "Nous avons besoin au minimum de 20 000 hectares de vignobles pour satisfaire la demande intérieure et celle de l'industrie du tourisme", assure-t-il. Le gouvernement croate a récemment adopté un programme visant à agrandir les vignobles, d'une surface actuelle de 18 000 hectares, de 13 000 hectares supplémentaires d'ici 2007, année à laquelle la Croatie ambitionne d'entrer dans l'Union Européenne. Après l'adhésion de Zagreb à l'Union, il ne sera plus possible d'étendre les vignobles en vertu d'une interdiction de Bruxelles. Ivan Enjingi, double médaillé d'or et médaillé d'argent en septembre par le magazine britannique Decanter, l'un des experts les plus influents au monde dans le domaine des vins, a commencé à planter avant l'année fatidique. Le viticulteur, qui possède 40 hectares de vignoble, veut les porter à 60 pour lui permettre de produire à l'exportation des vins issus de ses cépages rouge et blanc: Pinot noir et gris, Traminer, Riesling, Zweigelt, Chardonnay, Cabernet sauvignon et Merlot.
L'histoire "moderne" du vin croate remonte à l'époque de l'empire austro-hongrois, au début du siècle dernier, lorsque la Croatie possédait 180 000 hectares de vignobles. Un siècle plus tard, sous l'ex-Yougoslavie communiste de Tito, la surface viticole du pays s'était brutalement réduite à seulement 18 000 hectares. Sous le régime de Tito, M. Enjingi comme tous les autres viticulteurs du pays, n'était pas autorisé à posséder des vignobles d'une surface supérieure à dix hectares. C'est dans les années 1980 que M. Enjingi a commencé à acheter des petits vignobles abandonnés situés sur des collines présentant un environnement favorable à la culture de la vigne et protégés des vents. "Autrefois, les gens cultivaient des plants de vigne sur ces terrains car durant le régime communiste, le géant de l'agro-alimentaire Kutjevo leur achetait le raisin au kilo sans tenir compte de la qualité", explique M. Enjingi. "Les gens ont ainsi commencé à planter des ceps de vigne sur tout terrain accessible aux tracteurs", poursuit-il. Au fil des années l'entreprise de M. Enjingi a prospéré et les vins de ses caves figurent parmi les plus prisés en Croatie. En dépit de cette reconnaissance, le viticulteur s'inquiète pour son avenir et celui de l'industrie du vin en Croatie en raison de la récente entrée en vigueur du taux d'alcoolémie zéro au volant dans le pays. "Si la loi n'est pas abolie nos excellents vignobles finiront à l'abandon et le marché croate sera envahi de vins importés bon marché", redoute-t-il. "Les viticulteurs ont pris des crédits pour planter des vignes mais depuis que la loi a été adoptée ils ont du mal à écouler leur production. Cette loi nous a privés de nos meilleurs consommateurs, ceux qui boivent un verre de vin pendant les repas", s'insurge M. Enjingi. |