La plaie ouverte par la mort du chef de Saulieu le 24 février n'est pas refermée, même si les déclarations virulentes autour du rôle des guides et des critiques gastronomiques se sont calmées. Le guide Michelin 2004 a laissé ses trois étoiles au restaurant de Bernard Loiseau. Le guide GaultMillau qui l'avait rétrogradé l'an passé de 19 à 17, l'a également laissé au même niveau.
Pour François Simon, journaliste au Figaro qui avait fait état de réserves du Michelin à l'égard du chef de Saulieu, "c'est le système qui a tué Bernard Loiseau, pas les médias". "Les critiques n'ont pas le pouvoir qu'on leur donne", ajoute-t-il tout en regrettant qu'en France, si la critique n'est pas bonne pour le chef, elle devient "un préjudice commercial".
Dominique Loiseau, elle, a publié en novembre un livre pour affirmer que la disparition de son mari était due "à un processus pathologigue grave nommé dépression". Une autre polémique vient de naître sur la fiabilité du guide Michelin. Un ancien inspecteur, Pascal Rémy, récemment licencié, affirme que tous les restaurants étoilés ne sont pas visités chaque année et que les inspecteurs sont très peu nombreux.
Jean-Claude Ribaut, chroniqueur gastronomique du Monde, se demande combien de temps encore les Français auront confiance dans le Michelin, "conscience subliminale des Français" et guide "pas tout à fait comme les autres". La parution annoncée la semaine prochaine d'un livre dont les auteurs se cachent derrière un pseudonyme sur "la face cachée de la gastronomie française" devrait encore alimenter le débat.
Après les débats internes, la polémique internationale. Les cuisines françaises sont agitées depuis cet été par un article du New York Times, selon lequel la créativité culinaire n'est plus française mais espagnole avec Ferran Adria, apôtre du déstructuré et de l'émulsion, comme porte-drapeau.
Piqués au vif, de nombreux chefs français sont montés au créneau comme Pierre Gagnaire ou Jacques Maximin, celui qui a donné le goût de la création au chef catalan. La polémique se poursuivra sûrement mi-avril près d'Oxford avec un débat sur "la révolution de la cuisine américaine, un défi pour la culture française". Raymond Blanc, chef français à l'origine de l'événement et installé depuis longtemps en Grande-Bretagne, estime en effet que si la tradition gastronomique française "reste figée, elle va mourir".
Dans un article intitulé "Halte au dénigrement", Périgo Légasse, critique gastronomique de l'hebdomadaire Marianne, part en guerre contre "ceux qui crachent dans la soupe au chou". "La seule exception culturelle qui mérite d'être préservée" est "notre patrimone culinaire", dit-il tout en dénonçant une opération qui "n'a pour seul but que d'affaiblir la France (..) en tapant là où cela fait mal".
François Simon juge que "les gens qui ont peur du débat sont les immobiles". Les restaurateurs eux ont encore un autre combat à mener. Que tous les Etats européens acceptent que la TVA passe en France de 19,6% à 5,5% pour pouvoir exister dans un contexte économique difficile. |