Ce plan, en préparation depuis des mois aux ministères de l'Agriculture et de l'Ecologie, doit répondre aux inquiétudes des éleveurs contraints de vivre sous la menace quotidienne du loup, sans fâcher les défenseurs de cet animal protégé. La disposition la plus controversée autoriserait le tir de 5 à 7 loups en 2004 dans le sud-est de la France.
Ce "quota" est en rupture avec la pratique précédente, qui conditionnait le tir très exceptionnel du loup à des attaques répétées contre un troupeau. Dans les faits, aucun tir n'a jamais eu lieu, soit parce que le loup avait déserté entre-temps, soit parce que les conditions n'étaient pas réunies. Pour le ministère de l'Agriculture, l'autorisation de tir permettrait de "faire retomber la pression psychologique" sur le terrain, où les éleveurs ne décolèrent pas. M. Lepeltier a indiqué jeudi aux éleveurs qu'il se donnait quelques jours de réflexion avant de trancher.
Depuis sa réapparition naturelle en 1992 dans les Alpes Françaises en provenance d'Italie, le loup a élargi son territoire à 11 zones de présence permanente, du Parc du Mercantour aux Alpes Maritimes et jusqu'au Vercors. Le nombre de brebis victimes du loup a grimpé de 192 en 1994 à 1.228 en 1998 et 2.808 en 2002, selon les chiffres officiels. La population française est estimée à 55 loups. Selon le gouvernement, elle est en croissance, et le tir de 10 à 15% de l'effectif n'affecterait pas la survie de l'espèce.
La convention de Berne (1979) et la directive européenne Habitats (1992) n'autorisent le tir du loup qu'"à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien de l'espèce dans un état de conservation favorable". Pour les protecteurs de l'animal, le loup, déjà en butte aux braconnages et empoisonnements, verrait sa survie menacée par les tirs, et seules des mesures de protection des troupeaux peuvent résoudre le problème.
Le plan gouvernemental prévoit d'aider les éleveurs qui s'engagent par contrat de 5 ans à mettre en oeuvre des mesures de protection (filets, chiens, aide-bergers...). Deux millions d'euros (dont un million de fonds européens) sont prévus à cet effet en 2004. En contrepartie, seuls ceux qui mettent en oeuvre une protection seront indemnisés en cas d'attaque du loup. Pour nombre de petits éleveurs, les mesures de protection sont impossibles à appliquer. "J'ai 250 bêtes, que je mets à paître avec mes voisins éleveurs sur 500 hectares, il est tout simplement impossible de les regrouper chaque soir", témoigne Maïté Diarté, qui devait rencontrer M. Lepeltier jeudi. "De plus, ce serait anti-écologique, car celà éroderait la montagne", ajoute-t-elle.
Mme Diarté, membre de la Confédération paysanne, conteste vigoureusement le contrat de 5 ans, qui "fait porter toute la responsabilité du loup à l'éleveur". Pour la Confédération paysanne, comme pour Claude Guigo de l'Association européenne de défense du pastoralisme, les aides sont un pis-aller. La seule solution c'est "l'élimination du loup des zones d'élevage", martèle M. Guigo. "Le loup est à 50 km de mes parcelles, s'il arrive, je sais que je ne pourrai rien faire", se désole Clément Gaubert, éleveur membre de la Confédération paysanne dans la Drôme. "On doit pouvoir agir dès la première attaque", réclame-t-il, dénonçant "l'intégrisme français" autour du loup. |