L'enquête a été ouverte pour mise en danger de la vie d'autrui, tromperie aggravée sur la marchandise et blessures involontaires. "Des producteurs d'alcool connaissent les risques de l'alcool sur les femmes enceintes", affirme Me Benoît Titran, avocat d'une association de Roubaix (Nord), Esper (Ecoute, santé, parents, enfants, respect). Esper regroupe des femmes dont les enfants présentent des malformations non génétiques, victimes du Syndrome d'alcoolisation foetale (Saf).
Me Titran souligne que les bouteilles de vin français destinées au marché américain sont étiquetées en anglais sur les dangers que la consommation d'alcool peut entraîner pour les femmes enceintes. "Pourquoi le consommateur américain aurait-il droit à cette information et pas le consommateur français?", s'interroge-t-il. L'avocat d'Esper a dénoncé au printemps devant le parquet de Lille le non respect de l'article L213-1 du code de la consommation.
Le texte prévoit de punir de deux ans d'emprisonnement "quiconque aura, par quelque moyen ou procédé que ce soit (...) même par omission (...) trompé le consommateur sur les risques inhérents à l'utilisation de produits et sur les précautions à prendre". "Si la tromperie porte atteinte à la santé humaine, la loi considère qu'il s'agit d'une circonstance aggravante et double la peine", précise Me Titran. "L'alcool est extrêmement toxique pour le foetus", explique le docteur Patrice Ganga-Zandzou, pédiatre au centre hospitalier de Roubaix. "L'imprégnation d'alcool peut être à l'origine de malformations des organes, d'une dysmorphie des traits ou d'un retard mental", souligne-t-il.
"Il suffit de deux verres par jour ou d'un simple pic de consommation de cinq verres en une soirée pour entraîner un syndrôme irréversible, et évitable", explique Me Titran dont le père, Maurice Titran, pédiatre au Centre hospitalier de Roubaix est spécialiste du Saf. "La consommation d'alcool par la mère touche le système nerveux central et le cerveau du foetus. Si les symptômes ne sont pas visibles tout de suite, on s'en aperçoit quand l'enfant à des problèmes d'apprentissage, à l'âge d'apprendre à lire et à écrire", poursuit-il.
Chaque année, 0,3% des 700.000 bébés nés en France sont atteints du Saf, selon le Centre d'Action médico-sociale précoce (Camsp) de Roubaix, et 1% présentent des effets partiels d'alcoolisme foetal. Esper réclame notamment l'étiquettage des bouteilles, afin de prévenir les femmes enceintes des risques que leur fait courir la consommation d'alcool.
Fin juillet, le directeur des achats de la chaîne française de supermarché Auchan a été interrogé. Le procureur adjoint de Lille, Ludovic Duprez, doit également entendre prochainement un responsable d'un groupe français de production et de vente d'alcool. "L'étiquetage n'est pas une fin en soi, conlut Me Titran, il faut également former les personnels médico-sociaux pour qu'ils fassent mieux part des risques de l'alcoolisme pendant la grossesse". |