Le 17 juin, fabricants et distributeurs avaient accepté de baisser de 2% en moyenne les prix des grandes marques dans l'alimentaire, l'hygiène-beauté et l'entretien, en s'engageant à partager l'effort à égalité. Vu le nombre de produits concernés et le court délai donné aux opérateurs, l'été s'est passé en négociations complexes, ont souligné des sources professionnelles concordantes. D'autant que le principe du "-2% en moyenne" par rapport au prix de juillet pouvait s'interpréter de mille façons: -2% sur chaque article? -2% après des baisses sur les uns et des hausses sur d'autres?
Les grands fabricants, du moins ceux qui appliquent l'accord, ont finalement tous choisi d'appliquer des baisses importantes sur une sélection de produits plutôt qu'une réduction uniforme de 2% qui ne se serait guère vue dans les rayons, soulignent des sources de la distribution et de l'industrie. Ces baisses, concentrées sur des produits phares, vont de de -5% à -40% et portent sur environ 20% des articles, 80% restant inchangés.
Mais, environ un tiers des fabricants a refusé d'appliquer l'accord et de réduire ses prix, a déclaré jeudi Michel-Edouard Leclerc, patron des Centres E.Leclerc, citant Orangina, Lindt, Cadbury ou Kronembourg. Les autres en ont profité pour repositionner leurs gammes et relancer des marques en perte de vitesse, devenues bien trop chères face aux produits similaires des distributeurs ou du hard discount, d'une qualité égale.
Face à eux, les enseignes étaient divisées: le groupe Leclerc a réclamé -2% sur chaque article, les autres (Casino, Système U, Auchan, Cora) ont accepté les baisses ciblées des fabricants. Carrefour a accepté les choix des fabricants mais en réclamant d'avoir tous les avantages que pourrait obtenir Leclerc, afin de faire barrage au trublion du secteur.
Autre pomme de discorde, le partage de l'effort de baisse. Quelques principes ont été convenus ces dernières semaines à la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), selon des professionnels. Par exemple, les distributeurs contribueront pour moitié aux baisses de prix jusqu'à -10%, les rabais supérieurs étant financés uniquement par l'industriel. Autre règle, aucune hausse ne doit compenser les baisses.
Les baisses vont le plus souvent de 6 à 10%, mais on trouve aussi -21% sur un paquet de riz basmati Taureau Ailé, -28% sur un litre de Pastis Berger, -40% sur un sachet de lames de rasoir de Gillette ou -14% sur les 12 yaourts Danone nature. Les produits de charcuterie ont obtenu de Bercy d'être dispensés, au nom du soutien du cours du porc. Le plus agressif, Leclerc, compte appliquer d'office une baisse de 2% sur chaque article, avec ou sans l'accord de l'industriel.
Pour les enseignes, les industriels, et Nicolas Sarkozy, l'espoir est de soutenir une consommation molle et d'éviter que les consommateurs continuent de s'enfuir vers le hard discount. Les prix pour 2005 seront remis en cause lors des négociations annuelles en octobre prochain qui s'annoncent "infiniment pires" qu'avant, estiment des industriels. Car l'accord Sarkozy a brutalement mis fin à l'équilibre de "guerre froide" qui régnait entre les deux camps depuis la loi Galland de 1996, avec une spirale de hausse des prix qui convenait à tous. Le groupe E.Leclerc s'efforcera de s'engouffrer dans la brêche et de déclencher une nouvelle guerre des prix. |