"Aujourd'hui, cinq personnes sont en danger. Il faut absolument que nous les retrouvions dans les quatre ou cinq prochains jours", a déclaré dimanche le ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, depuis la cellule de crise mise en place à Bordeaux. "C'est une course contre la montre. Nous arrivons à une phase particulière, c'est la fin de la période d'incubation (...) qui est de 30 à 45 jours", a précisé le ministre. Le préfet de la région Aquitaine, Alain Géhin, a évoqué "la hantise d'avoir un mort".
Les cinq personnes recherchées auraient été en contact, vers le 10 août, avec Tiki, le chiot enragé, importé illégalement du Maroc par un Bordelais qui a circulé avec lui durant trois semaines, se rendant notamment dans différents festivals de la région. La rage, qui se transmet par morsure, léchage et griffure, est mortelle pour les humains si elle n'est pas traitée avant le déclenchement des premiers symptômes.
Les autorités recherchent également cinq chiens qui auraient pu être en contact avec Tiki. L'inquiétude est particulièrement grande dans un petit village de la région de Bordeaux, Tombeboeuf, où des chiens errants ont égorgé ou blessé une quarantaine de moutons à la fin de la semaine dernière. Ce village se trouve près de Miramont-de-Guyenne où le propriétaire du chiot enragé avait assisté à un festival. Un arrêté ministériel prévoit que tout chien errant risque d'être euthanasié s'il n'est pas vacciné contre la rage et tatoué et les fourrières sont pleines d'animaux qui ont échappé, parfois quelques minutes, à la vigilance de leur maître, ce qui provoque des drames.
"Je viens dans l'espoir de voir mon chien une dernière fois, avant qu'il soit euthanasié!", dit Sandrine, au bord des larmes. Son setter irlandais de 14 ans s'est échappé au moment où elle sortait de sa voiture et il n'était pas vacciné. Comme elle, de nombreux propriétaires se pressent à la fourrière, près de Bordeaux, pour tenter de récupérer leurs chiens fugueurs avant qu'ils ne soient piqués, comme l'ont déjà été au moins 47 d'entre eux.
Pour tenir compte de "certains cas douloureux", la préfecture de la Gironde a suspendu, vendredi, "l'euthanasie de tout carnivore identifié, même non vacciné, capturé depuis le 4 septembre". Pour sa part, le ministère de la Santé envisage de rendre obligatoire la vaccination contre la rage pour les chiens et les chats. Chez les chasseurs, privés de leur fidèle compagnon, l'atmosphère n'était pas à la fête dimanche pour l'ouverture de la chasse. Casquette enfoncée sur ses cheveux blancs, fusil en bandoulière et cartouches à la ceinture, Léo Trémouille se désolait: "je chasse depuis plus de 50 ans et c'est la première fois que je fais une ouverture sans chien. C'est révoltant. Et triste aussi".
Pour Alain Dalix, les pouvoirs publics "auraient dû imposer la vaccination dès le début de l'alerte. Et aujourd'hui, on aurait pu chasser avec nos chiens". Chasseur et éleveur de faisans, M. Dalix estime ses pertes à près de 23.000 euros. Car faute de chiens, aucun lâcher n'a été effectué dans le département. Vingt décès ont été enregistrés en France entre 1970 et 2003, tous contractés à l'étranger, essentiellement au Maghreb et en Afrique noire. Le dernier, il y a moins d'un an, est celui d'un enfant de 3 ans qui l'avait contractée au Gabon. Elle entraîne chaque année, dans le monde, entre 50.000 et 60.000 décès chez l'homme. |