Dans l'Aisne, les communes "oubliées" de l'AOC réclament justice

Deux ou trois kilomètres à l'est, c'est la Marne et les premières parcelles de la très convoitée appellation d'origine contrôlée (AOC) champagne, qui s'étend sur 32.000 hectares. Quelques dizaines de kilomètres plus bas, le sud de l'Aisne a lui aussi le droit de produire le pétillant breuvage. Pour les 397 membres de l'association qui milite pour que l'AOC s'étende aux 35 communes concernées, dans les cantons de Braine et Vailly-sur-Aisne, l'injustice est flagrante: "on ne lâchera pas car on a le sentiment d'être dans notre bon droit", assure Bertrand Venet, chargé du dossier "Champagne" à la chambre d'agriculture de l'Aisne.

Ils se réfèrent notamment à un décret publié en 1908 qui délimitait la zone champagne et incluait alors les 35 communes. En 1927, une loi précise cette zone en demandant aux villes concernées de renvoyer une liste de parcelles pouvant bénéficier de l'appellation. Les communes des cantons de Braine et Vailly-sur-Aisne, ravagées par la guerre, ont-elles "oublié" de renvoyer leurs listes? Ces dernières ont-elles été perdues? Toujours est-il que, 77 ans plus tard et malgré moults procédures, l'Institut national des appellations d'origine (Inao) ne reconnaît pas leur légitimité à produire du champagne.

Peu à peu, certains vignerons qui fournissaient en raisins les maisons de champagne jusque dans les années 60 ont lâché prise devant ce flou juridique: "mon père a fini par abandonner, il était tout seul", se souvient Serge Mousseaux, membre de l'association et maire de Serval, petite commune du canton de Braine. Le vignoble local, qui s'étendait sur une centaine d'hectares en 1908, avec des lieux-dits joliment baptisés "La vigne enragée" ou "Les grands ouis", n'en offre plus aujourd'hui qu'un hectare.

Frans Labilloy, président de l'association, possède 6 ares et produit 1.000 bouteilles par an qui ne servent, législation oblige, qu'à sa consommation personnelle: "1.000 bouteilles pour moi et ma femme, c'est trop!". "Nous, on réclame une zone de 600 hectares d'AOC: ce n'est rien par rapport aux 32.000 hectares existants, surtout quand on sait que les maisons de champagne manquent de raisins..." soupire Frans.

La capacité de production de la Champagne a atteint la "limite maximale", selon Daniel Lorson, porte-parole du Comité interprofessionnel des vins de Champagne (CIVC). "Pour éviter que les prix flambent, il va falloir créer de nouvelles parcelles ayant droit à l'AOC", reconnaît-il.

Une commission animée notamment par l'Inao va donc commencer cet hiver un travail de redéfinition de l'aire géographique mais "cela va prendre encore plusieurs années", prévient M. Lorson. Dénonçant un "corporatisme" des vignerons champenois, les 35 communes de l'Aisne "oubliées" par l'AOC ne veulent pas attendre et ont engagé cinq procédures devant le tribunal administratif, dont une qui réclame la nomination d'un expert indépendant pour statuer sur leur sort. Car derrière ce combat, il y a aussi et surtout des enjeux financiers: "un hectare de vigne, ça vaut au moins cent fois plus qu'un hectare de forêt", rappelle-t-on au CIVC.


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