C'est fait. Dans quelques semaines désormais, dès le 1er janvier 2005, le logo AB va pouvoir être apposé sur les bouteilles de vins issus des raisins produits en agriculture biologique. Présent sur un grand nombre de produits alimentaires, le logo national AB, propriété du ministère de l'Agriculture, était jusqu'ici absent des bouteilles de vins pour une raison simple : la vinification des raisins biologiques, ainsi que les additifs et produits œnologiques bios, ne sont pas définis dans le règlement communautaire CE2092/91 régissant la transformation des produits biologiques. Un “ vide” réglementaire dénoncé par les producteurs de vins bio qui en France ne pouvaient pas qualifier leurs produits de “bio”. Seule la mention “vin issu de raisins de l'agriculture biologique” était jusqu'ici autorisée.
Cette mention devra toujours se trouver sur les bouteilles de vins de producteurs bio à partir du 1er janvier prochain mais sera donc à présent accompagnée du logo AB. Une évolution importante autorisée par la Commission nationale des labels et certifications le 17 juillet dernier, pour des raisons qui semblent surtout relever d'une nécessité d'harmonisation européenne. En effet, les lacunes du règlement communautaire CE2092/91 n'ont pas empêché ces dernières années les producteurs de vins bio d'autres pays européens (respectant des cahiers des charges de vinification bio privés) de bénéficier sur leurs bouteilles de logos biologiques officiels. Chaque pays traite en effet la question des vins bio différemment. “Dans plusieurs pays d'Europe, les vins bios ont des logos bio nationaux ou portent le logo biologique communautaire, explique Marianne Monod, du bureau des signes de qualité au ministère de l'Agriculture. Ces vins bios étrangers se retrouvaient sur les mêmes marchés que les vins bios français qui eux ne pouvaient avoir de logo. Il y avait donc distorsion de concurrence. La décision de la CNLC a aussi été rendue possible par une modification du règlement communautaire viti-vinicole et une évolution de la réglementation sur l'étiquetage laissant plus de subsidiarité aux Etats.” L'autorisation de l'emploi du logo AB par les viticulteurs bios a été bien sûr accueillie avec satisfaction par la FNIVAB (fédération nationale interprofessionnelle des vins en agriculture biologique), qui a élaboré avec l'Itab (institut technique de l'agriculture biologique) et l'ITV un cahier des charges national privé de vinification bio. Mais sa présidente, Sabine Durand, viticultrice dans l'Hérault, a le sentiment que les autorités françaises ont enfin autorisé le logo parce qu'elles y étaient contraintes et forcées. « Cette évolution nous a surpris, on l'attendait depuis des années. Mais ce n'est pas pour nous que la décision a été prise. On travaille pourtant sur une charte de vinification bio depuis 15 ans. Le logo c'est bien mais nous voudrions qu'il prenne en compte toute notre démarche bio, du vignoble au vin. Or la mention près du logo sera toujours ‘vin issu de raisins de l'agriculture biologique', ce qui pour nous est une tricherie par rapport au consommateur : les raisins seuls sont reconnus bios. Nous craignons que ce logo soit utilisé par des vignerons qui n'aillent pas au bout de la démarche. » L'utilisation du logo AB ne sera pas conditionnée au respect de la charte de vinification de la FNIVAB ou d'un autre cahier des charges privé (Nature et Progrès, Demeter...). Comme pour les autres produits bios, le producteur bio devra soumettre sa demande d'étiquetage AB à un organisme de contrôle (Ecocert, Qualité-France, Aclave…). De son côté, la FNIVAB se bat toujours pour mieux faire reconnaître ses pratiques vinicoles spécifiques (réduction des doses de SO2, ingrédients biologiques, restriction des additifs etc.) « Notre charte de vinification a officiellement été mise en place avec l'Onivins dans le Languedoc-Roussillon et le Bordelais », note Sabine Durand. La Fédération avait créé son propre logo” vin bio” que la DGCCRF a refusé en raison du règlement communautaire. Elle vient d'en créer un nouveau, portant la mention “charte de vinification en agriculture biologique”. Ses membres espèrent aussi une évolution au niveau du règlement européen « qui ne prenne pas seulement en compte, poursuit Sabine Durand, la question du SO2 mais aussi les produits œnologiques et l'interdiction des OGM ». |