"La consommation modérée de vin doit être reconnue et encouragée"

- Terre-net : Le Livre Blanc préconise un statut du vin défini dans la loi et un traitement qui lui soit spécifique, loin des amalgames avec les alcools forts. Dans ce but, que proposez-vous dans votre rapport ?
- Paul-Henri Cugnenc :
Premièrement, nous demandons qu'à tous les niveaux du gouvernement et au sein de toutes les instances de l'Etat que tout le monde ait le même discours sur le vin. Le ministère de l'Agriculture et Matignon peuvent avoir envers lui un discours bienveillant tandis que la direction de la Santé a à son encontre une sévérité indéfectible. Or, il existe une vérité et non plusieurs. Nous avons donc demandé au Premier ministre qu'il définisse sa position envers le vin et qu'il l'impose à tous. Cette proposition peut paraître ambitieuse mais le fait de demander cela ne relève que de la logique et du bon sens. Deuxièmement, en matière de sécurité routière, il faut intensifier la lutte contre les excès et nous savons que le vin y a sa part de responsabilité. Mais nous souhaitons savoir quelle est cette part précisément. D'où notre demande au Premier ministre de mettre en place des enquêtes prospectives permettant de préciser quelle est la boisson alcoolisée en cause dans tel ou tel accident. C'est le seul moyen d'affiner et d'avoir une bonne prévention. Il s'agit pour nous d'une proposition très importante car il faut sortir de ces amalgames qui pèsent sur le vin.

- Terre-net : Préconisez-vous également une autre approche que l'amalgame vin/alcools forts en terme de santé publique ?
- P. H. Cugnenc :
Oui nous plaidons pour une approche différente des experts qui nous disent qu'il faut lutter contre la surconsommation d'alcool et surtout pour une baisse de la consommation globale. Nous souhaitons que cet objectif de baisse de la consommation d'alcool soit traité de façon plus nuancée, car il y a consommation excessive et consommation modérée. Et la consommation modérée de vin doit être reconnue et encouragée. Il faut le dire, tout simplement. Tous les experts reconnaissent qu'elle n'a aucun effet négatif sur la santé, et beaucoup estiment qu'elle a des effets positifs. La définition de la modération que nous avons retenue est celle de l'OMS : deux verres par jour pour les femmes, trois pour les hommes. Cette “posologie” est même reconnue non toxique par l'ANPA (Association nationale de prévention en alcoologie). Afin de sortir des amalgames, il ne semble pas raisonnable non plus de considérer le Français comme fatalement porteur de risques ou potentiellement infantile. La communication sur le vin s'adresse à des adultes responsables. Trop de restrictions et de réserves pèsent sur le vin. Le Français n'est pas potentiellement un délinquant.

- Terre-net : Il a été évoqué également la création d'un “Conseil de la modération”. Pouvez-vous préciser ce dont il s'agit ?
- P. H. Cugnenc :
C'est une idée du Premier ministre qui lui est venue à la lecture des conclusions du rapport. Jean-Pierre Raffarin voudrait créer une instance mettant autour d'une même table des interlocuteurs aux positions antinomiques mais sans a priori, des gens qui se respectent et qui n'ont pas de démarche intégriste, ni dans un sens ni dans l'autre.

- Terre-net : Quel a été l'accueil du Premier ministre face à votre rapport ?
- P. H. Cugnenc :
Le sujet du vin intéresse Jean-Pierre Raffarin mais il se l'imaginait très conflictuel. Il a été surpris et très satisfait de voir que l'on avait eu un débat ouvert et dépassionné. J'ai en effet choisi pour mon groupe de travail une approche scientifique et déconnectée de l'environnement économique et des questions liées à la loi Evin. J'ai fait intervenir des experts scientifiques de tous horizons, et ils ont été plus nombreux que les représentants de la filière vin. Les experts se sont ainsi trouvés à l'aise et nous avons obtenu un souci de nuance que nous n'aurions pas eu dans un environnement différent. Alain Rigaud, par exemple, président de l'ANPA, a fait un exposé très courtois et nuancé. Ses positions ont été écoutées. J'ai reproduit son exposé dans le rapport. Au fil des interventions j'ai dégagé des points de convergence et des propositions qui peuvent être appliquées et acceptées des deux bords. Le Premier ministre s'est dit d'accord pour les enquêtes précisant quels sont les alcools en cause dans les accidents, il a promis de prendre en compte la demande d'une position unique sur le vin. Mes propositions ont retenu son attention. Il reste à voir comment cela va se traduire dans les faits. Mais j'ai bon espoir car mes propositions relèvent du bon sens. En les mettant en œuvre, le Premier ministre peut montrer sa détermination en faveur du vin sans pour autant créer des mécontentements.

- Terre-net : Pour en revenir au débat et aux auditions des différents spécialistes, quels ont été les points de convergence qui ont émergé ?
P. H. Cugnenc :
Nous avons tous été d'accord pour lutter contre la surconsommation d'alcool. Personne ne défend l'alcoolisme et ses abus. Le deuxième point de consensus a été l'idée que le vin n'est pas une drogue. A dose modérée, il n'y a pas d'effet addictogène. Enfin, tous les intervenants ont reconnu les effets bénéfiques du vin en matière cardio-vasculaire et ont jugé que toute étude vin et santé était intéressante. Quant aux points non consensuels, ils ont porté sur les effets bénéfiques du vin en cancérologie et contre la maladie d'Alzheimer, démontrés par plusieurs études mais discutés par certains, et sur la spécificité des bienfaits du vin par rapport aux autres alcools. La vision du vin en tant qu'aliment n'a pas non plus fait l'unanimité et n'a pas été retenue en tant que telle. Mais on peut réunir tous les intervenants autour de l'idée que le vin a sa place dans une alimentation équilibrée et à dose modérée.


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