"La Grèce n'a pas de tradition du vin", les "Grecs haïssaient d'une certaine manière le vin car il lui rappelait sa situation de pauvreté après la fin de la Seconde Guerre" mondiale, assène Yannis Boutaris, 62 ans, petit fils et fils d'une dynastie de viticulteurs grecs, très célèbres dans le pays.
Après la guerre, "la bière était la boisson de luxe, une boisson en bouteille, il n'y avait pas de vin en bouteille", explique-t-il dans une interview à l'AFP.
Président du Comité national interprofessionnel de la vigne et du vin (Edoao), il rappelle que si la vigne existe en Grèce depuis l'antiquité, c'est seulement avec la formation de l'Etat grec au début du 19ème siècle que les Bavarois du roi Othon commencent à créer des entreprises vinicoles, à produire et à exporter.
Il a fallu finalement l'entrée de la Grèce dans la CEE en 1981 pour faire renaître le vin grec. En 1980, il y avait 50 viticulteurs dignes de ce nom dans toute la Grèce, aujourd'hui, il y en a plus de 400, avec un grand nombre de petits domaines de qualité, souligne Yannis Boutaris.
C'est la France principalement, avec sa tradition et toute sa culture du vin, et l'Italie, qui ont conduit l'évolution viticole de la Grèce, avec notamment le système des appellations d'origine, appliquées au pays par la grande dame du vin grec, Stavroula Kourakou, son mentor.
Maintenant, "il faut changer, il faut réformer notre législation sur les appellations contrôlées et adopter un nouveau cadre qui corresponde à notre terroir. La logique c'est développer nos cépages locaux, mais ça va prendre cinq ans : on a beaucoup de travail", ajoute-t-il.
Yannis Boutaris s'est lancé en 1997 dans l'aventure du nouveau paysage du vin grec. Dans ses 5O hectares de vignobles, près de Naoussa et à Amyndaios (nord), se reposant sur un cépage indigène, le xinomavro, il lance sa marque Kyr-Yanni (Monsieur Yannis).
Yannis Boutaris s'intéresse également à la politique, à la social-démocratie et au rapprochement gréco-turc. Il a été élu en octobre 2002 au conseil municipal de Salonique sur une liste de gauche.
Aux élections européennes de juin, il accepte la proposition du président du PASOK (socialiste), Georges Papandréou, de se porter candidat, mais en dernière position, inéligible, car il n'est "pas un politicien professionnel".
"L'Europe, c'est une histoire difficile où l'économie domine. Nous sommes encore très loin d'une pensée politique européenne unifiée, une vraie Constitution c'est pour dans très longtemps", affirme-t-il.
Il estime qu'"il faut plusieurs vitesses : un noyau dur qui tire, puis un 2ème et un 3ème cercle, mais cela ne se fera pas en deux générations".
Parallèlement à ses activités vinicoles, Yannis Boutaris crée en 1990 à Salonique (nord), sa ville natale, Arktouros, une ONG de défense des ours bruns en Grèce, qui deviendra rapidement un groupe influent et reconnu.
Près du village familial à Nymphaios (nord-ouest), il a fondé un refuge pour les ours de foire qui accueillera plus tard les ours du zoo de Belgrade bombardé par les forces de l'Otan, puis les loups. Quelque 40 000 visiteurs visitent le centre chaque année. |
