Le jugement été mis en délibéré au 2 novembre 2004. Le procureur Paul Veisbuch, dans un réquisitoire très dûr, a qualifié M. Maderi de "hors-la-loi" qui a commis un "hold-up sur l'âme de la société Flodor". "Vous avez humilié les salariés, déshonoré la direction de l'entreprise, terni sa réputation et compromis l'avenir de l'usine", a-t-il dit. Estimant qu'une peine de prison ferme "n'avait pas de signification", M. Veisbuch a réclamé une peine de prison avec sursis, "mais pas la peine maximale" - de un an - "et ou une amende".
Mi-août 2003, deux chaînes de production de l'usine de chips Flodor de péronne (groupe italien Unichips) avaient été déménagées en catimini alors que les 200 salariés étaient en congé forcé pour une semaine au titre de la RTT. M. Maderi, 56 ans, de nationalité italienne, comparaissait notamment pour les délits d'"entrave" au comité d'entreprise (CE) et au comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), et d'"obstacle" aux fonctions d'inspecteur du travail. Le prévenu, vêtu d'un costume bleu sombre a fines rayures, s'exprimant avec un très fort accent italien, a affirmé à la barre n'avoir "jamais pris une seule décision dans cette affaire". Pour expliquer l'absence d'information donnée au CE et au CHSCT quant au jour du déménagement, il a assuré n'avoir été prévenu que le 14 août par la direction d'Unichips, que celui-ci débuterait le 16 août. De même, il a affirmé que l'interdiction d'entrer sur le site faite aux élus du CE, du CHSCT et aux inspecteurs du travail, en plein déménagement, venait de la direction italienne d'Unichips et non pas de lui. M. Maderi a admis avoir été présent sur le site quand les élus au CE et les inspecteurs ont été empêchés d'entrer le 20 aôut, mais qu'il était alors dans son bureau et qu'il était là uniqement pour servir de traducteur aux dirigeants italiens venus sur place.
"Vous ignoriez qu'il y avait des gendarmes, des inspecteurs du travail et des élus du CE qui attendaient à l'extérieur de l'usine", demande surpris le président Alain de Kermerchou. "C'est bizarre, mais c'est comme ça", répond l'ancien patron. "Vous êtes coupable de chacune des infractions" a estimé le procureur pour qui il ne s'agissait pas "du procès des délocalisations, des patrons-voyous ou du néolibéralisme, mais celui d'une conception perverse et dangereuse des relations sociales". "Vous avez utilisé la perfidie, la ruse pour piétiner le droit. Ce coup de force était bien prémédité, mûrement réfléchi, et il a été cyniquement appliqué. C'est une régression sociale", a ajouté M. Veisbuch.
Selon l'avocat des parties civiles, Me Amine Ghemin, M. Maderi "était au courant de tout ce qui se passait. Ses explications ne sont pas sérieuses (...) Des opérations les plus ordinaires sont devenues un véritable acte de banditisme". Il a notamment réclamé 50.000 euros de dommages et intérêts pour le CE et un euro symbolique pour le CHSCT. "Jamais je n'ai été insulté comme je l'ai été par le procureur et la partie civile" a déclaré le prévenu à la barre à la fin de l'audience. Son avocat Me, Rémi-Perre Drai a demandé la relaxe. |