Dans la nuit de mercredi à jeudi 200 agriculteurs ont bloqué le pont de Lézardrieux (Côtes-d'Armor) tandis que 130 autres barraient la RN12 au niveau de Morlaix (Finistère), selon les gendarmes. Les manifestations se sont déroulées plus calmement que celle de lundi soir qui a conduit le parquet de Morlaix à ouvrir une information judiciaire pour dégradations notamment.
Mais les légumiers contraints de jeter à la poubelle une grande partie de leur production (13 millions de têtes retirées de la vente en janvier), entendent maintenir la pression jusqu'à ce qu'ils obtiennent un rendez-vous au ministère de l'Agriculture. "Malheureusement, nous n'avons pas de réponse. Nous nous concertons sur la suite", expliquait jeudi Thierry Merret de la FDSEA (majoritaire) du Finistère.
Si le ministère reste muet, les légumiers "pourraient se fédérer" à d'autres filières en difficulté, comme les éleveurs de porc ou les producteurs de lait, avertit Jean-Michel Lesné, producteur près de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). Le sous-préfet de la ville a assuré mercredi que les producteurs seraient "très prochainement" reçus au ministère de l'Agriculture.
Les légumiers réclament une aide de 8 millions d'euros. Le prix d'achat du chou-fleur au producteur a chuté de moitié par rapport à l'an dernier à 0,23 euro la tête, selon M. Merret. "On a perdu 30 millions d'euros au total", a souligné M. Merret. En moyenne les producteurs ont perdu 16.800 euros chacun, selon eux.
La Bretagne, qui totalise 80% de la production française, n'arrive plus à vendre ses choux-fleurs après trois années "correctes", durant lesquelles la région a bénéficié de saisons moins rudes qu'en Espagne ou en Italie. Cette année le climat été favorable chez tous les concurrents entraînant une augmentation de l'offre, or la consommation baisse (de 5 kg par habitant en 1982 à 3 kg actuellement en France), souligne Joëlle Huon, productrice dans le Finistère, et membre de la Confédération paysanne.
Et la concurrence va être de plus en plus vive avec l'élargissement de l'Union européenne. "Il y a une différence de 9 centimes de coût de production entre la Pologne et la France. Du coup les usines de transformation achètent à l'Est, elles délocalisent et nous, excentrés, qu'est-ce qu'on devient ?", poursuit M. Merret.
Les producteurs en pâtissent déjà puisque "les Allemands ont des conventions pour employer de la main d'oeuvre ukrainienne au tarif ukrainien, 1,5 euro par jour", affirme Joëlle Huon. "Il faut que l'Etat prenne des mesures pour maintenir la production et la transformation des choux-fleurs dans la région", renchérit M. Lesné. Jusqu'alors les producteurs compensaient les hauts et les bas de ventes de produits frais par la surgélation, les ventes aux usines.
Quant à la diversification, elle a déjà eu lieu, pense M. Merret qui affirme que la Bretagne produit 20 à 25 produits différents contre 3 ou 4 il y a 20 ans. Pour Joëlle Huon, les 8 millions d'euros sont nécessaires mais "ce n'est qu'une rustine. Il faut une Europe sociale, des règles du jeu communes à tous les légumiers européens". "Si on se contente d'aide financières, on risque une fuite dans la surproduction", ajoute-t-elle. |