Pressés par l'administration de négocier avec la distribution un prix minimum, solution prônée par le ministre des Finances Nicolas Sarkozy, les producteurs de tomates ont mis en place avec réticence ce système depuis mardi, au prix de 0,85 euro recommandé par le ministre. Seul le secteur de la tomate, où la production est bien organisée, a réussi à s'entendre pour demander un prix minimum aux distributeurs, ce qui n'a pas été le cas dans les autres secteurs en crise (melons pêches et nectarines).
Cette tentative d'un prix minimum pour la tomate -- juridiquement très contestable car toute entente et en principe interdite -- s'est vite heurtée aux importations, bien moins chères, ainsi qu'aux propositions de prix cassés par des producteurs dissidents, prêts à brader plutôt que ne ne pas vendre. A 0,85 euro, alors que le prix du marché "libre" est de 0,30 euro, beaucoup d'acheteurs se sont abstenus, gonflant les stocks d'invendus.
Jeudi matin, lors d'une réunion de trois heures avec l'administration et la distribution, les producteurs ont averti qu'il renonceraient à demander un prix minimum si l'Etat n'accordait pas d'aides pour les stocks d'invendus. "Sans une gestion des invendus, ce système est suicidaire", a souligné à l'AFP Pierre Diot, président de la Section nationale tomates, qui représente 70% des prodiucteurs. Jeudi soir, le ministère n'avait pas donné de réponse. Aussi les producteurs ont décidé jeudi soir de maintenir un prix minimum dans leurs négociations avec les distributeurs mais ramené à 0,50-0,60 euro.
"Le prix de 0,85 euro était intenable. On reste sur un dispositif de prix minimum mais on va le recaler à 0,50-0,60 euro pour être plus près de la réalité du marché", a indiqué jeudi soir à l'AFP Pierre Diot. "Les producteurs sont tous d'accord" pour essayer d'obtenir ce prix "mais la situation est très fragile car nous sommes attaqués de partout, tant par des producteurs indépendants que par des importations belges" à un prix plus bas. "C'est la pagaille", a-t-il ajouté.
De son côté la FNSEA a dressé jeudi soir le constat d'échec des négociations sur les prix minima et réclamé plutôt "un dispositif pour rétablir le coefficient multiplicateur", c'est-à-dire l'encadrement des marges de la distribution. Beaucoup de professionnels étaient hostiles à la solution du prix minimum, inévitablement contourné dans un marché libre.
Mercredi, quelque 150 agriculteurs de la Coordination rurale ont investi une centrale d'achat d'Intermarché à Lectoure, dans le Gers, et détruit des milliers de fruits. L'enseigne est soupçonnée d'importations importantes et de préparer une campagne de publicité pour des tomates à 0,90 euro le kilo -- ce qui suppose un tarif d'achat bien inférieur à 0,85 euro. "C'est un avertissement: les agriculteurs et les maraîchers sont à bout, on leur paye les légumes une misère, les prix ne peuvent plus rester aussi bas", a déclaré Didier Galinou, un porte-parole du syndicat.
Dans un communiqué, Intermarché s'est indigné de cette action, déclarant que les fruits détruits étaient "très majoritairement d'origine française" et a estimé avoir subi 300.000 euros de dégâts. |