"C'est un secret de polichinelle que ces pays subventionnent de cette manière leurs exportations agricoles", dénonce Fabian Delcros, porte-parole de la Commission européenne auprès de l'Organisation mondiale du commerce, dont les 147 membres tentent de relancer avant fin juillet le cycle de négociations de Doha. Selon Bruxelles, Ottawa, Canberra et Wellington ont recours à des monopoles d'exportation de marchandises comme le blé ou les produits laitiers pour soutenir leurs producteurs par un mécanisme de double prix: un prix d'achat élevé versé aux producteurs nationaux et un prix de vente plus faible fixé pour les marchés mondiaux.\n Dans une lettre adressée début mai à leurs collègues de l'OMC, les commissaires européens Pascal Lamy (Commerce) et Franz Fischler (Agriculture) ont accepté de discuter de l'élimination des subventions versées par Bruxelles aux exportations agricoles de l'UE, répondant à une demande de longue date des pays en développement et des grands exportateurs agricoles du Groupe de Cairns, dont font partie Canadiens, Australiens et Néo-Zélandais.
Mais l'UE a exigé en contrepartie que "toutes les autres formes de soutien à l'exportation" soient mises sur la table des négociations, y compris les entreprises commerciales d'Etat. "Nos subventions ont le désavantage d'être très claires", a expliqué M. Lamy lors d'une récente conférence de presse à Genève. "Il faut donc que les autres modalités de soutien plus obscures fassent partie de la négociation. C'est plus compliqué, mais ça devra se passer", a-t-il averti. Canadiens et Australiens se disent prêts à ouvrir la discussion sur le fonctionnement de leurs entreprises d'Etat, mais pas sur leur existence même.
"On est prêt à discuter de toutes les formes de subventions à l'exportation", assure un responsable de la mission du Canada auprès de l'OMC. "Mais les institutions elles-mêmes sont en dehors du mandat des négociations". En mars 2003, les Etats-Unis ont porté plainte devant l'OMC contre le Canada, dénonçant la concurrence déloyale que constitue, selon eux, la Commission canadienne du blé (CCB), premier exportateur mondial.
Dans une première décision rendue en février dernier, l'OMC a partiellement rejeté l'accusation des Etats-Unis, qui ont fait appel la semaine dernière. Le Canada fait valoir que la CCB est une émanation des producteurs canadiens de céréales et non du gouvernement et qu'elle ne reçoit pas de subventions. Ottawa reconnaît cependant que "certaines politiques du secteur canadien des céréales sont incompatibles avec les obligations du Canada à l'égard de l'OMC".
"Dans certains cas, les gouvernements ont sans aucun doute versé de l'argent à ces entreprises commerciales d'Etat lorsqu'elles en ont demandé", a déclaré la semaine dernière le négociateur agricole américain, Allen Johnson. "Plus fondamentalement, nous pensons que lorsqu'un agriculteur décide à qui il vend ses récoltes, cela ne devrait pas dépendre d'un monopole". Pour l'Australie, l'ambassadeur David Spencer assure que Canberra ne verse pas de subventions à ces sociétés, parmi lesquelles la Commission australienne du blé, deuxième exportateur mondial. "Nous sommes prêts pour une discipline accrue à propos des pratiques qui perturbent le commerce", promet-il toutefois. |