Le débat, déjà engagé à fleurets à peine mouchetés entre le négociateur européen et les autorités françaises, porte à la fois sur la légitimité d'un vote des ministres des 25 --alors que l'enjeu des discussions de Genève n'est pas le "paquet final" du cycle--, et sur le mode de décision --à la majorité qualifiée ou à l'unanimité. "La négociation a été lancée à l'unanimité et doit se terminer à l'unanimité. Mais si l'accord intermédiaire inclut des mesures irréversibles, il faut normalement une décision du Conseil des ministres", estimait-on de source française.
Le ministre français du commerce extérieur François Loos, flanqué de son collègue de l'agriculture Hervé Gaymard, retrouvera ses 24 collègues européens jeudi à Genève, où Pascal Lamy et son collègue de l'agriculture Franz Fischler négocient au nom de l'UE. Mais alors que la présence des ministres européens dans les coulisses est en fait de rigueur dès que les négociations à l'OMC se tiennent au niveau ministériel, cette réunion du conseil a été présentée par Paris comme un succès diplomatique.
Sceptiques dès l'origine sur l'idée même d'un nouveau cycle, dont M. Lamy et son homologue américain Robert Zoellick ont été les principaux avocats, les responsables français ont multiplié récemment les attaques contre le principal négociateur européen, alors que l'avenir de l'exercice se jouera sans doute d'ici vendredi sur les rives du lac Léman. Les dirigeants français, notamment MM. Loos et Gaymard, ont attaqué la stratégie et la tactique de M. Lamy, accusé tout spécialement d'avoir abattu ses cartes prématurément dans la négociation agricole, voire d'être sorti des limites de son mandat.
Le commissaire européen, qui a rapporté au conseil quatre fois au cours des deux derniers mois, a toutefois obtenu le quitus des 25 sur son approche de la négociation, le 12 juillet et une nouvelle fois lundi dernier. "Les directives de négociation ont été adoptées par le conseil par consensus. Personne n'a demandé de vote", rappelle une source européenne de haut niveau. En bientôt cinq ans de mandat, M. Lamy lui--même n'a demandé aux ministres de voter, à la majorité qualifiée, que lorsqu'il s'est agi d'adopter l'initiative "Tout sauf les armes", permettant aux pays les moins avancés d'exporter vers le marché européen sans droit de douane et sans quota.
Paris s'est montré particulièrement irrité par l'affirmation du commissaire selon laquelle une majorité qualifiée au sein du conseil le soutiendrait en tout état de cause. Quant à revendiquer une décision à l'unanimité, la Commission estime que la France n'en a pas la possibilité sur le plan juridique. "Chacun peut lire l'article 133" du traité définissant la politique commerciale commune, observe la même source européenne. Il prévoit que le conseil tranche à la majorité qualifiée, sauf si les accords négociés portent sur des domaines à compétence partagée entre la Commission et les Etats membres. Or, "tous les sujets à compétences partagées ont effectivement disparu de la présente négociation ou n'y ont jamais été", souligne une source communautaire. Par exemple l'investissement ou dans le domaine des services, l'éducation, la culture ou la santé. |