Comment s'en protéger au mieux

Blanches ou noires, les gelées constituent une menace redoutable au moment du printemps sur les frêles bourgeons de la vigne. Afin de passer plus sereinement la période délicate du débourrement, plusieurs méthodes de protection contre le gel ont été mises en place par les professionnels de la filière.
Des solutions indirectes, tout d'abord, consistant à s'assurer contre le gel, dans le cadre d'un contrat mixte gel-grêle (mais avec l'inconvénient de risque de perte de marché en cas de perte de récolte), ou la création durant les années non gélives d'une réserve qualitative afin de s'assurer un stock disponible en cas de dégâts sur les vignes.
Les solutions de lutte directe ensuite sont de plusieurs ordres.

Les bougies et chaufferettes. Elles permettent de réchauffer l'air avec une certaine efficacité jusqu'à -4° -5°. Mais les chaufferettes au fuel et les bougies de paraffine sont polluantes et nécessitent beaucoup de main d'œuvre pour leur mise en place et leur allumage rapide. Une étude de la chambre d'agriculture de Loir-et-Cher a estimé qu'une heure de main d'œuvre par ha était nécessaire pour l'allumage des bougies et que le coût d'utilisation était d'environ de 1645 € HT /ha pour deux allumages (2 x 5 h) hors main d'œuvre. A réserver plutôt pour de petites surfaces.
L'aspersion. Elle consiste à arroser sans interruption les bourgeons durant la période critique au moyen d'arroseurs disposés tous les 15 à 20 m afin que la température des bourgeons ne descende pas au-dessous de 0. Non polluante, l'aspersion demande cependant un gros approvisionnement en eau (consommation : 50 m3/h/ha) et un lourd investissement pour l'installation des tuyaux, des canons et des moteurs pour activer le tout. Le domaine Gendrier, 32 ha près de Cheverny, a opté pour cette solution en 2002 : “Nous avons creusé une pièce d'eau de 20 000 m3 pour l'approvisionnement en eau, un forage ainsi qu'une tranchée. Nous avons également construit un bâtiment pour nos quatre moteurs poids lourds de 180 ch. L'investissement a été lourd en terme de temps et s'est monté à environ 2 millions de francs, explique Alexandre Gendrier. Nous installons nos canons pour deux mois. En 2004, on les a utilisés 3-4 nuits de suite.” La chambre d'agriculture du Loir-et-Cher évalue l'investissement structurel à 4500 € à 8400 € HT /ha de vigne de protégé et à 300 € environ/ha les charges de fonctionnement.

L'aspersion doit être déclenchée à bon escient selon des conditions précises de température, d'hygrométrie, d'humidité des sols, de développement des bourgeons. D'où le besoin de données météo fiables, par un contrat avec Météo France ou l'équipement en station météo, hygromètres et alarme de température. En 2003, des vignerons ligériens et champenois ont vu leurs bourgeons détruits car l'aspersion avait été déclenchée trop tard compte tenu des conditions climatiques (temps sec et températures basses). Un faible taux d'humidité de l'air doit alarmer l'utilisateur. Par ailleurs, il faut aussi prendre garde aux sols, qui doivent être suffisamment perméables pour éviter ravinement et érosion.
Les tours anti-gel. Ces installations brassent l'air en propulsant l'air plus chaud au niveau des vignes tout en chassant l'air plus froid qui y est accumulé. Sans brûleur, elles sont efficaces jusqu'à moins 2°C. Au-delà le brûleur est nécessaire. Alimentée par un moteur diesel ou gaz, la tour anti-gel permet une protection de 4 à 5 ha en moyenne. Efficace, automatique, la tour anti-gel reste coûteuse à l'achat : 37 000 € H.T (avec brûleur) selon la chambre d'agriculture 41, “25 000 € à 35 000 €”, selon Gérard Kaufling, de la société Milon, qui précise qu'une tour sans chauffage consomme 35 à 40 l de gazole/h. Le prix des tours, ajoutés aux coûts de fonctionnement (183 €/ha selon la CA41) et à l'amortissement conduisent souvent les viticulteurs à s'associer dans une CUMA, comme à Quincy, dans le Cher, où les vignerons ont bénéficié des subventions de la part des collectivités locales. “Notre système fonctionne depuis 4 ans. L'année dernière nous avons eu des gelées noires mais zéro dégât, note Jean-Charles Borgnat, président du syndicat. L'inconvénient, c'est l'esthétique, mais il existe des tours repliables. Le bruit (comparable à un hélicoptère) nous a valu aussi quelques plaintes. Mais au pire nous les utilisons 5 jours par an.” La réglementation sur “les nuisances sonores de voisinage” conduit généralement à installer les tours à plus de 200 m voire 300 m des habitations, en fonction des arrêtés préfectoraux.


D'autres méthodes plus expérimentales

Dans la lutte anti gel dans les vignes, d'autres moyens existent mais de façon plus confidentielle ou expérimentale. On peut par exemple citer les câbles chauffants électriques contenant une résistance, fixés au palissage de la vigne et reliés à une armoire de régulation. En contact avec les bourgeons le câble maintient une température positive dans un rayon de 10 cm. La maison Albert-Bichot l'utilise depuis quelques années à Chablis et estime le surcoût à 30 à 50 centimes d'€ par litre. Le domaine William-Fèvre à Chablis l'expérimente également.
Utilisé à l'étranger pour les cultures fruitières notamment, le frost-buster va bientôt être testé par les vignerons de Noyers-sur-Cher (Loir-et-Cher). Il s'agit d'un réacteur avec brûleur de gaz fixé à l'arrière d'un tracteur. “Ce système est 50% environ moins cher sur 7 à 8 ha qu'une tour anti-gel , souligne Michel Badier, conseiller viticole à la chambre d'agriculture de Loir-et-Cher. Mais il nécessite une logistique suffisante.”
Une molécule anti-gel pour la vigne va bientôt être lancée sur le marché. La société grenobloise Elicityl, issue du CNRS, a mis au point un éliciteur, un oligosaccharide en poudre, renforçant l'acclimatation au froid de la vigne. “En pulvérisation foliaire, l'éliciteur produit un signal à la plante qui met en place une réaction qui lui est propre, explique Yvette Liénart, fondatrice d'Elicityl. L'éliciteur permet à la vigne de subir les gels printaniers jusqu'à -2 ° -3°C en dessous de la zone de tolérance normale, sans attenter au génome de la plante.” Les propriétés de l'éliciteur ont été validées sur le pinot noir, le chenin, les cabernets sauvignon et franc. Actuellement en expertise au niveau de la Commission européenne, Elicityl est en attente d'une autorisation de mise sur le marché.


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