Décès arrêté
"Aujourd'hui, la lutte biologique s'inscrit dans le cadre d'une agriculture durable et respectueuse de l'environnement", souligne l'Inra qui présente au Salon de l'Agriculture а Paris ses recherches sur ces espèces mises а contribution pour lutter contre les insectes "ravageurs".
Cette guerre, dont les enjeux économiques sont majeurs, est un défi permanent : avant les années 1900, une espèce exotique arrivait sur notre territoire tous les 25 ans, alors qu'aujourd'hui il y en a 2 par an, s'inquiète un chercheur de l'Inra а Sophia-Antipolis, Jean-Claude Malausa.
Ces insectes, importés généralement par accident, s'attaquent aux cultures en abîmant les troncs (capricornes...), en rongeant les feuilles (chenilles...), en desséchant les jeunes rameaux (psylle de l'eucalyptus...).
Le problème est qu'ils arrivent seuls, sans les prédateurs qui contrlaient leurs populations dans leurs milieux d'origine.
Il va alors s'agir pour les chercheurs d'aller sur place chercher les "insectes prédateurs les plus proches des cibles" et de les lâcher а leur tour sur notre territoire pour "rééquilibrer" la nature, note M. Malausa.
Cette lutte biologique provoquée n'est pas nouvelle : en Chine, au IIIe siècle de notre ère, les agriculteurs protégeaient déjà leurs agrumes avec des fourmis. En France, après la Seconde guerre mondiale, le règne des pesticides s'est installé, tuant les insectes visés... et les prédateurs naturels.
Depuis une vingtaine d'années, l'apport d'organismes dits "auxiliaires", vivants, inoffensifs pour les consommateurs et l'environnement, s'est nettement développé. En 1980, selon l'Inra, "2 а 3 espèces d'insectes auxiliaires étaient utilisées. Il y en a maintenant plus d'une cinquantaine".
L'utilisation d'insecticides et d'acaricides pour les cultures de tomates sous serre ont diminué de 90%, selon cet institut de recherches agronomiques. Et en 2004, quelque 85 000 hectares ont été traités avec des insectes - des trichogrammes - pour lutter contre la pyrale du maïs.
Les insectes "auxiliaires" tuent directement les ravageurs, ou les attaquent en pondant dans leurs oeufs, empêchant la naissance de chenilles dévastatrices.
Il ne s'agit pas "d'insectes modifiés. On les prend dans la biodiversité et on sélectionne les meilleurs candidats", souligne M. Malausa. "On essaie de jouer le moins possible aux apprentis sorciers" et grâce а cette prudence, "il n'y a jamais eu de catastrophe écologique dans la lutte insectes contre insectes", dit-il.
La recherche actuelle d'insectes "auxiliaires" prédateurs vise par exemple la cicadelle, d'origine américaine, qui s'attaque а plus de 300 plantes hôtes (pêchers, vignes...) dans le sud de la France, le "ver de la grappe", le foreur de la canne а sucre, le papillon du géranium, importé d'Amérique du Sud, etc.
Mais il faut savoir que "lorsqu'une espèce est installe, on ne l'éradiquera plus", déplore le chercheur. Il est seulement possible "d'équilibrer la population le plus bas possible".
La catastrophe, c'est l'arrivée sur notre territoire d'un insecte exotique dont il n'existe aucun prédateur, même dans sa région d'origine. Il est aujourd'hui а notre porte, avec quelques foyers dispersés : la chrysomèle du maïs (Diabrotica virgifera), venue d'Amérique centrale via les Etats-Unis.