A dix semaines d'un référendum "incertain", de l'aveu même de Jean-Pierre Raffarin - avec un "non" à 51-52% dans deux récents sondages -, la Constitution s'est fatalement invitée au rendez-vous annuel de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), première organisation paysanne française.
De mémoire de congressiste, on n'avait vu une telle pléïade de responsables politiques, à commencer par le chef du gouvernement qui a invité chacun à "prendre ses responsabilités" au référendum du 29 mai.
"Plus la voix de la France sera forte en Europe, plus la Politique agricole commune (PAC) sera défendue", a martelé M. Raffarin.
Avant lui, le président du groupe communiste à l'Assemblée, Alain Bocquet, le premier secrétaire du PS François Hollande, le président de l'UDF François Bayrou et celui de l'UMP Nicolas Sarkozy avaient successivement pris la parole, l'ordre des interventions ayant été défini par tirage au sort.
Seule voie dissonante dans ce concert de oui, Alain Bocquet - qui représentait la secrétaire nationale du PCF Marie-George Buffet en voyage en Afghanistan - a invité à ne pas avoir peur de voter non. "La vague du non qui enfle dans le pays est une lame de fond", a-t-il affirmé.
Tous les autres orateurs ont mis en garde contre la tentation du non, qui "affaiblirait" la position de la France en Europe alors que les agriculteurs français sont les "premiers bénéficiaires" de la PAC.
"Qui vous défendra mieux, une Europe du grand marché économique, avec une vision anglo-saxonne, ou une Europe politique (...) avec à sa tête un président élu pour deux ans et demi, qui pourra rendre des comptes ?", a demandé M. Sarkozy.
Pour M. Bayrou, "la variable d'ajustement", en cas de victoire du non, "est toute trouvée: ce sera le budget de la PAC".
Traditionnellement pro-européen, l'électorat agricole constitue un enjeu de taille, même si l'on ne compte plus que 600.000 exploitations. Or les agriculteurs, échaudés par la réforme de la PAC en 2003, apparaissent cette fois très hésitants, voire hostiles, au traité constitutionnel.
Selon un sondage Ifop réalisé juste avant le Congrès, 69% des agriculteurs ayant arrêté leur choix ont ainsi l'intention de voter "non" et 42% n'ont toujours pas pris leur décision.
La FNSEA a choisi pour sa part de ne pas donner de consigne de vote. "Le moral n'y est plus et les campagnes se déséspèrent", a toutefois lancé le président de la FNSEA, Jean-Michel Lemétayer.
Alors que le climat s'est tendu ces derniers jours parmi les tenants du oui, notamment dans la majorité, les piques politiques n'ont pas non plus été absentes.
M. Sarkozy, arrivé en compagnie de M. Bayrou et qui s'est entretenu avec lui en marge du Congrès, a ironisé sur les hommes politiques qui, pour s'offrir "un petit succès d'estime", font "siffler" la grande distribution et "prononcent le mot de Leclerc". Une allusion directe au Premier ministre.
"Vous avez pu entendre ce matin une partie des candidats à ma succession mais j'ai bien l'intention d'aller au bout du sillon !", a répliqué un peu plus tard M. Raffarin.
A l'appel de plusieurs syndicats, quelque 600 personnes ont manifesté contre la politique du gouvernement aux abords du Palais des Congrès et se sont dispersées dans le calme avant l'arrivée du Premier ministre.