Il est incertain le temps des cerises

Mais en 2005, alors que la coopérative fruitière Céret-Primeurs, seul organisme de commercialisation qui subsiste, fête son soixante deuxième anniversaire, un hiver pyrénéen un peu tardif a fait passer la cerise de Châteaurenard (Bouches-du-Rhône) en tête sur la ligne d'arrivée de la primeur.

Une mauvaise affaire pour les petits producteurs céretans, qui comptent sur les prix plus élevés des "premiers" fruits pour rentabiliser des exploitations perclues par l'âge des exploitants, les coûts de production élevés, les difficultés des transports et la concurrence étrangère.

Deux chiffres illustrent ce déclin: en 1965, année record, la coopérative Céret-Primeurs mit sur le marché 1700 tonnes du fruit rouge; en 2004, année certes climatiquement difficile, elle en a commercialisé 100 tonnes à peine, sur les 70000 tonnes produites en France.

De 480 coopérateurs, dont un seul à l'époque livrait 100 tonnes, l'organisation est aujourd'hui passée à 128 producteurs, avec une production moyenne dépassant à peine les 1.200 kg.

Victime d'abord de l'Europe, la cerise de Céret voit dans la mondialisation une nouvelle guigne pour ses vergers. "Pendant que nous vidions à la frontière les camions de fruits espagnols, dans les années 70, les Espagnols eux plantaient des cerisiers. Avec un climat encore plus méridional et des cueilleurs payés 45 euros par jour pour huit heures de travail, ils arrivent sur le marché dès le mois d'avril, alors que nous devons attendre mai", explique Jacques Arnaudies, président de la coopérative. "L'Espagne en a planté 7.000 ha dans la région de Caceres et, près de Lerida, un seul producteur en livre 1.000 tonnes, le plus petit en produit 120 tonnes", illustre-t-il. "Mais de plus la cerise, comme d'autres fruits est désormais présente sur les étals toute l'année, venant du Chili, d'Argentine, avant que les productions turque, portugaise et espagnole ne prennent le relai. La magie de la primeur perd de sa force", analyse-t-il. "Le Portugal produisait 500 tonnes en 1995; dix ans plus tard, il met 10.000 tonnes sur le marché. Là, les cueilleurs sont payés 25 à 32 euros pour huit heures de travail. En France, ils coûtent 75 euros la journée de 7 heures. Alors l'Europe..."

Du coup, même les vergers, dont les cerisiers sont "conduits" pour ne pas dépasser la taille des récoltants, ce qui évite les pénibles cueillettes sur une échelle, perdent leur rentabilité. Les vergers sont gagnés par les ronces à mesure que vieillissent leurs exploitants qui ne trouvent plus de successeurs.

Et ceux qui restent se désespèrent. "C'est un pensum", explique une récoltante chenue à l'accent rocailleux du Vallespir, "il faut les calibrer à la main littéralement une à une. C'est un travail de fou". Les essais de calibrage mécanique, menées notamment en Espagne, ont toutes été couronnées d'insuccès: la cerise est fragile et "marque" le moindre coup. Mais la cerise de Céret reste la cerise de Céret, la ville continue à se proclamer capitale et, début juin, réussit à en vendre 15 tonnes dans les rues pendant les deux jours de la fête dédiée à son fruit favori.

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