Au lendemain d'une visite à Paris du Premier ministre britannique, Tony Blair, qui a fait état d'un "désaccord aigu" avec la France, le président, Jacques Chirac, et le chef du gouvernement, Dominique de Villepin, ont tous deux enfoncé le clou. Lors du Conseil des ministres, M. Chirac a réaffirmé que l'accord d'octobre 2002 garantissant le financement de la PAC jusqu'en 2013, qui est contesté par Tony Blair, "s'impose à tous et devra être pleinement respecté".
Selon le porte-parole du gouvernement, M. Chirac a également déclaré que "chacun doit contribuer à l'effort européen en proportion de ses moyens et le Royaume-Uni doit prendre toute sa part au financement de l'Europe élargie" pour le budget 2007-2013, au coeur du sommet de jeudi et vendredi qui s'annonce très conflictuel.
Le président français faisait une nouvelle fois référence au rabais de plusieurs milliards d'euros dont bénéficie depuis 1984 la Royaume Uni sur le budget européen, au grand dam des autres membres de l'Union européenne. Tony Blair défend bec et ongles ce "chèque", obtenu parce que son pays ne bénéficiait pratiquement pas des aides agricoles, et estimé qu'on ne peut y toucher sans une remise à plat de la PAC. La PAC, qui absorbe encore 40% du budget européen, profite en grande partie à la France, première puissance agricole de l'Europe. M. Chirac sait qu'il peut compter sur le soutien du chancelier allemand Gerhard Schröder qui s'est porté garant de l'accord qu'il avait conclu avec le président français en 2002 et qui a ensuite été entériné à l'unanimité par les dirigeants européens.
Confronté à des divergences apparemment insurmontables, le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, dont le pays assure la présidence de l'UE, s'est dit "presque sûr" de ne pas arriver à un accord lors du sommet de Bruxelles.
Peu après le Conseil des ministres, le Premier ministre, Dominique de Villepin, a affiché la même détermination que M. Chirac devant les députés, déclarant que "personne ne saurait revenir" sur le financement de la PAC. M. de Villepin a également assuré, à l'adresse de la Grande-Bretagne, que "chacun doit faire une part du chemin" pour parvenir à un "accord raisonnable et équitable" sur le budget de l'UE. "Aux difficultés politiques, nous ne devons pas ajouter une crise financière", a-t-il dit en référence au rejet de la Constitution européenne lors des référendums français et néerlandais.
La France plaide pour la poursuite de la ratification de la Constitution par les pays membres qui ne l'ont pas encore fait, une position qui tranche encore avec celle de M. Blair, qui a demandé une "période de réflexion".
La Grande-Bretagne, qui doit assurer la présidence de l'UE à partir du 1er juillet, a reçu sur ce point le soutien du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, également favorable à une pause. M. de Villepin a aussi réaffirmé mercredi que "la question du lien entre élargissement et approfondissement" de l'UE était "désormais posée", dans une allusion notamment à une adhésion de la Turquie. "Nous savons tous que la rapidité de l'élargissement, si elle a répondu à un véritable impératif historique, n'en a pas moins heurté beaucoup de nos concitoyens", a-t-il déclaré, sans remettre toutefois en cause l'entrée en 2007 de la Bulgarie et de la Roumanie dans l'UE.