La Seudre, fleuve côtier de 69 km, prend sa source près de Plassac, entre Bordeaux et Saintes (Charente-Maritime). Elle traverse des zones agricoles suivant un cours paisible couru des pêcheurs en rivière et se jette mollement dans l'Atlantique au bout d'un estuaire qui abrite le bassin ostréicole de Marennes-Oléron. Dans sa partie amont, le petit fleuve constitue la principale source d'irrigation pour les producteurs de maïs et de céréales qui exploitent les terres riches d'une vallée humifère. En aval, il remplit les claires, ces bassins utilisés pour affiner les huîtres de Marennes-Oléron. Et sur toute sa longueur, les pêcheurs du Saujonnais taquinent le goujon.
Quand la sècheresse s'est signalée, au printemps, elle a surpris ces trois catégories d'utilisateurs au plus fort de leurs activités. Les cultures croissaient, les huîtres s'apprêtaient à pondre et les poissons frayaient. "Pas d'eau, pas de maïs". "Pas d'eau, pas d'huîtres". "Pas d'eau, pas de pêche à la ligne". Trois litanies circulent d'amont en aval, alors que le débit nécessaire, de l'ordre de 3 mètres cubes/seconde à l'estuaire, ne dépasse pas 1 m3/sec cette année. La situation se répétait pour la ènième fois depuis le début des années 1990.
Les irrigants ont d'abord été désignés coupables. En 1990, ils déversaient 2500 mètres-cubes à l'hectare (m3/ha) sur leurs productions. Ils ont réduit ce débit à 1500 m3/ha en 2005, en diminuant les surfaces semées de 59.000 ha (2001) à 37.000 ha (2005). Ils ont également utilisé un matériel plus moderne régulant le débit et la dispersion de l'eau. L'Association syndicale autorisée (ASA) des irrigants de Saintonge a même élaboré un programme "IRRI-MIEUX" pour préserver les ressources du bassin versant de la Seudre.
"Paysans de la terre ou de la mer, on a tous besoin des autres et de l'eau", synthéthise Francis Bonnain, producteur de maïs et vice-président de l'ASA. L'eau douce conditionne la reproduction des huîtres au début de l'été et, surtout, la croissance des mollusques. Elle charrie des sédiments porteurs de carbonates, de silicates nécessaires au développement de phytoplantons, la nourriture naturelle des huîtres. "L'eau claire régule également la température des claires", explique François Patsouris, président des ostréiculteurs du bassin Marennes-Oléron et vice-président du Conseil régional Poitou-Charentes.
La conchyliculture attend des apports en eau qui n'arrivent jamais au moment favorable, puisque la Seudre s'assèche l'été. Pour tenter de subvenir aux besoins, tous les interlocuteurs, à force de rencontres et de négociations, ont accepté ensemble un schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE). Il prévoit notamment de jalonner le cours de la Seudre de retenues de substitution, notamment pour alimenter l'irrigation et les claires.
L'entente semble parfaite. Même si Dominique Tantin, président des pêcheurs saujonnais, note que la culture du maïs sur des anciennes tourbières a tassé le sol et fait tomber le niveau des terres d'un mètre par endroits. A son niveau normal, au printemps et à l'automne, la Seudre noie certains champs affaissés que les pêcheurs voudraient voir exclus de la zone cultivable. Le SAGE s'est enrichi de ces besoins variés et devrait prochainement entrer en application, ce qu'a proposé dans la semaine le préfet, Bernard Tomasini.