"On a une année normale, avec une charge (quantité de raisins) qui n'est pas extraordinaire mais largement suffisante pour le quota de l'appellation", note Bernard Beaulieu, secrétaire général de la CGT du champagne. "Les capteurs de pollen, utilisés pour évaluer la récolte, indiquent un rendement (agronomique) proche de 14.000 kilos/hectare", au-delà du quota que la loi autorise à récolter, confirme le Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC), qui estime le début de la vendange "entre le 15 et 20 septembre".
En 2004, ce quota légal, fixé à 13.000 kilos/hectare, avait été augmenté de 1.000 kilos en raison de l'abondance exceptionnelle de la vendange, alors que l'année précédente, le gel et la canicule avaient fortement réduit les quantités de raisins sur les quelque 30.000 hectares de l'AOC champagne.
Si ce rendement hors norme avait permis de reconstituer les réserves, il n'avait pas non plus réjoui complètement les vignerons, obligés de sacrifier les raisins en trop: "si c'est pour en mettre à côté, ce n'est pas la peine", se souvient Guy Bouvet, récoltant-manipulant à Mareuil-sur-Ay (Marne). Ce dernier prédit aujourd'hui une "belle récolte" : "la vigne est en bonne santé, même si on a eu un peu de mildiou et si l'orage est passé dans quelques endroits. Je suis plutôt optimiste".
Le CIVC signale lui aussi quelques attaques de mildiou "bien contrôlées", dues à une météo conjuguant pluies abondantes et fortes chaleurs. L'organisme professionnel précise toutefois que le vignoble a été bien épargné par le temps, évitant gelées et grêle, tandis que les épisodes de sécheresse ont été sans conséquence, le sol crayeux des vignes absorbant l'eau comme une véritable éponge.
Les vignerons, fidèles au vieux dicton champenois "si juin fait le vin, août fait le goût" (juin étant la période de la fleur de vigne, qui détermine la quantité de raisins, ndlr), restent prudents et gardent un oeil sur le ciel. "Le mois d'août va être assez déterminant pour la qualité du raisin", assure Stéphane Lamoureux, vigneron indépendant aux Riceys, dans l'Aube, qui détaille ses exigences : "Maintenant il faudrait que l'on n'ait que du soleil jusqu'en septembre, et ce serait bon".
Prudence également dans les grandes maisons : "J'ai connu des années pires que ça", dit sobrement François Lhotte, directeur du vignoble à Moët et Chandon, qui ajoute tout de même, énigmatique : "La situation est sous contrôle". Autour du 25 août, les premiers prélèvements dans les vignes révèleront les taux de sucre et d'acidité du raisin, gages de qualité pour une vendange qui devrait produire environ 300 millions de bouteilles de "vin fou", à peu près toutes assurées d'être vendues.