Au coeur des marais mouillés de la "Venise verte", les fossés sont à sec : "plus d'eau dans les +conches+, ça veut dire que je dois abreuver mes 120 vaches en eau du robinet, payée au prix fort et transportée par camion!", explique Cédric Veuillet, un jeune agriculteur. "Et je passe mes journées à édifier des clôtures puisque les bêtes ne sont plus gardées par les barrières naturelles des conches".
"Malheureusement, la sécheresse n'est plus exceptionnelle, cela fait dix ans que cela dure, depuis le développement de l'agriculture intensive", soupire l'éleveur. En cause, pour les éleveurs mais aussi les responsables du Parc interrégional du marais, l'intensification, dans les années 1980 et 90, de l'agriculture, céréalière notamment, gourmande en eau.
Les prairies ont laissé place à des terres arables qui "pompent", selon eux, les réserves de cette zone au fonctionnement hydrologique très complexe. La situation a été aggravée cette année par un hiver et un printemps particulièrement secs : "la sécheresse est devenue chronique mais ce qui est exceptionnel, c'est qu'elle est arrivée beaucoup plus tôt, au moins trois-quatre semaines", indique François-Marie Pellerin, géologue, président de la Coordination pour la défense du marais, classé site Natura 2000.
"Or les dégâts s'aggravent avec l'accumulation de la sécheresse. Les sols argileux se tassent, deviennent inondables, maisons, routes et digues en pâtissent. Petit à petit, la flore s'adapte et se transforme", s'alarme-t-il. Faute de pluie d'ici à l'automne, la région connaîtra un déficit pluviométrique de 50%, par rapport aux 750 mm annuels.
Des mesures ont été prises dès le printemps dans certaines zones pour limiter l'usage de l'eau, y compris l'irrigation. Quant il n'est pas totalement interdit, le prélèvement n'est autorisé que 4 nuits par semaine pour les cultures fourragères. "C'est une catastrophe. Certains agriculteurs ne passeront pas l'année", pronostique Pierre Trouvat, président du syndicat des irrigants du département des Deux-Sèvres. "Certaines parcelles de maïs seront à rendement zéro. Pour le fourrage d'été, on aura au mieux un rendement au quart de la normale", souligne-t-il.
Pierre Trouvat ne décolère pas face à la "sévérité" des mesures, s'insurge contre le "procès" fait aux irrigants et refuse de mettre en cause le département voisin de Vendée, où il a fallu attendre le 21 juillet pour que les autorités prennent un arrêté, beaucoup moins restrictif. En colère, certains élus parlent de "lobby agricole destructeur" et réclament une "cohérence" dans la gestion de l'eau.
Les bateliers de la Venise Verte, eux, restent sereins : les rigoles tapissées de lentilles vertes ont certes baissé, obligeant certains à modifier leurs circuits, mais l'activité, principale attraction touristique de la région qui attire quelque 650.000 visiteurs par an, n'est en rien menacée. La France connaît actuellement une sécheresse comparable à celle de 1976, qui avait été qualifiée de "sécheresse du siècle", et 66 départements, soit les deux-tiers du territoire, ont désormais imposé des restrictions d'eau.