L'amertume des maïsiculteurs, pris entre sécheresse et polémique sur l'eau

"Je n'ai jamais vu ça en 20 ans. C'est la troisième année consécutive de sécheresse", constate Philippe Perpignaa, à la tête d'une exploitation de 40 hectares de maïs non-irrigués à Navailles-Angos, à 10 km de Pau. Chaque jour, l'exploitant note scrupuleusement le volume de précipitations, espérant les habituels orages de fin d'été pour assurer la survie de sa production. Mais de juin à mi-août, il n'est tombé que 113 millimètres d'eau contre plus de 200 mm à la même période en 2002, explique-t-il.

Son maïs est certes vert, mais les dégâts sont là : les plants font 2 mètres au lieu de 3, et surtout n'ont pas reçu d'eau à cette période cruciale pour la fécondation des épis et la formation des grains. "Normalement, je fais environ 350 tonnes de maïs, mais cette année, on va peut-être descendre jusqu'à 230-240 tonnes", s'inquiète ce producteur de "maïs consommation", destiné à la consommation animale ou à l'industrie.

 "La situation est dramatique compte tenu de l'augmentation des charges", ajoute M. Perpignaa, qui s'attend notamment à voir grimper de 1.000 euros sa facture de carburant cette année. Face à la sécheresse, il ne peut pas espérer trouver son salut dans l'irrigation, méthode inadaptée au parcellaire et au relief de son exploitation. Un cas loin d'être unique : au total, seuls 21% des 123.000 ha de maïs cultivés dans les Pyrénées-Atlantiques sont irrigués, selon l'Association générale des producteurs de maïs (AGPM).

"On dit que le maïs incite à irriguer, mais seuls ceux qui ont investi dans des réalisations collectives pour stocker l'eau continuent à irriguer", commente Philippe Perpignaa. C'est le cas de Jean-Pierre Mondeilh, producteur de la commune voisine d'Astis, qui arrose 37 de ses 55 ha de maïs grâce à deux lacs-réservoirs artificiels situés non loin. "Cela permet de sécuriser le rendement mais ce n'est pas la panacée", souligne l'agriculteur confronté également au manque d'eau dans un des réservoirs où est stockée de l'eau de pluie pendant l'hiver.

"Avant l'été, il était à moitié plein donc on n'a eu droit qu'à 780m3 d'eau par ha au lieu de 1.500 m3", explique-t-il, ajoutant que le faible rendement attendu, même sur les parcelles irriguées, ne compensera pas le prix de l'eau et les frais fixes pour l'entretien du réseau, des pompes et du matériel. Face aux critiques de l'association UFC-Que Choisir sur une tarification de l'eau qui inciterait les agriculteurs à irriguer, notamment dans le Sud-Ouest, Jean-Pierre Mondeilh a l'impression d'être devenu le "bouc émissaire" d'une société inquiète par la raréfaction de l'eau en été.

"C'est tout l'inverse du gaspillage : actuellement on irrigue seulement pour limiter la casse", explique-t-il, assurant qu'il paie 0,51 centime le m3 d'eau, plus les charges, et non 0,23 centime, comme l'affirme l'UFC. "Ce ne sont quand même pas les agriculteurs qui font la sécheresse", s'indigne l'exploitant, au "ras-le-bol" partagé M. Perpignaa : "Se plaindre de l'agriculture, c'est le luxe de nos sociétés au ventre bien plein".

Quant à "faire reculer le maïs", comme l'a suggéré la ministre de l'Ecologie Nelly Olin, M. Perpignaa juge que "ce discours peut séduire le public, mais ne s'appuie pas sur les réalités économiques". "Si on accepte de voir disparaître l'agriculture, on perdra notre indépendance alimentaire et on sera obligés d'importer", estime M. Perpignaa, qui souligne au passage que son maïs est garanti sans organisme génétiquement modifié (OGM), contrairement à d'autres pays producteurs.

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