Cette double vocation économique et musicale est née de la volonté des organisateurs de relancer la culture du chanvre, disparue de leur région au milieu des années 60 suite à l'arrivée des fibres synthétiques et au déclin de l'industrie du cordage.
"A l'origine, ce festival était une petite fête organisée par d'anciens chanvriers du village pour montrer à leurs enfants comment ils travaillaient autrefois. Quand nous l'avons reprise, on était nous aussi axé sur l'aspect historique", explique Marie-Bernard Oger, président de l'Aflam, l'association organisatrice. "Et puis ça nous a semblé évident petit à petit de faire le lien entre la tradition du chanvre et l'exploitation moderne de la plante".
Devenu Festival du Chanvre en 1994, l'évènement qui accueille chaque année plus de 10.000 visiteurs a été rebaptisé il y a trois ans, pour mettre en avant la programmation musicale --"De Fibres en musique" invite des groupes folkloriques du monde entier-- mais surtout clarifier sa démarche et éviter l'amalgame avec le cannabis. "Au lancement du festival, on n'a pas vraiment pensé à la confusion des genres.
Mais quelques articles dans la presse nationale l'ont un peu entretenue, précise Marie-Bernard Oger. On a vu quelques fois débarquer des gens qui venaient pour autre chose et comprenaient assez vite que ce n'était pas pour eux". Marché chanvrier, démonstrations de l'utilisation du chanvre dans le bâtiment, défilé de mode, expositions, conférences: aux côtés des démonstrations traditionnelles menées par les anciens chanvriers, une vaste palette d'animations présentant les exploitations contemporaines de la plante se greffe désormais au programme.
"On ressent un vrai engouement depuis cinq ans. Les gens pensent - bio - et - naturel -, ils posent des tas de questions et veulent comprendre ce que l'on peut faire avec le chanvre. A Saumur, deux maisons ont été construites en chanvre par des gens qui étaient venus ici", constate Jean-Marie Trottier, l'une des chevilles ouvrières du festival.
Fils du dernier chanvrier resté en activité à Montjean-sur-Loire, il a été lui-même gagné par le virus, au point de poser dans sa maison un enduit réalisé avec du chanvre de la fête. Tombé amoureux du festival, Arnaud Evrard, un jeune ingénieur-architecte belge, spécialiste du chanvre, est lui revenu pour la sixième fois présenter tout ce qui se fait à base de chanvre dans le bâtiment: enduit, béton, isolants. "C'est un matériau complexe à travailler mais il n'y a pas meilleur en performance énergétique et hygrométrique", explique-t-il devant un mur de démonstration.
Devant l'émulation suscitée par leur rendez-vous, les organisateurs du festival de Montjean-sur-Loire se prennent à rêver. Une association chargée d'entretenir le bocage dans la région a lancé une expérimentation pour utiliser du chanvre, plutôt que du plastique, pour "pailler" (protéger au sol) les haies. Une production d'huiles essentielles est aussi à l'étude. Certains se prennent à imaginer une relance de la production: "Des agriculteurs nous demandent régulièrement comment faire. Produire du chanvre n'est pas très compliqué, le transformer, c'est autre chose, analyse Jean-Marie Trottier. Mais ce n'est pas qu'un rêve, je suis persuadé qu'on reviendra à la culture du chanvre".