"L'étude sur la grippe aviaire devait débuter cet hiver. Etant donné l'urgence, nous avons décidé de nous y mettre dès septembre", explique Michel Gauthier-Clerc, vétérinaire à la station biologique de la Tour du Valat, à Arles, et chargé de recherche sur les maladies des oiseaux sauvages transmissibles à l'homme.
Immense zone humide de 86.000 ha dans le delta du Rhône, la Camargue abrite une faune très riche, notamment 370 espèces d'oiseaux dont les célèbres flamants roses. Carrefour d'une multitude d'oiseaux de Sibérie, où la grippe aviaire a été récemment identifiée, après être apparue en Asie du Sud-Est, elle représente à ce titre "un lieu fondamental pour l'étude des maladies". Le delta voit ainsi passer depuis juillet canards fuligules, sarcelles, colverts et autres passereaux, tous venus de Sibérie.
Réalisés par une équipe de cinq personnes, des prélèvements "cloaquaux" (de fiente) vont être effectués dès cette semaine sur des canards sauvages vivants, capturés dans des nasses ainsi que sur des canards morts abattus par les chasseurs. Les canards sont visés car "ils sont le type d'oiseaux les plus favorables à la dissémination" du virus, explique le vétérinaire. D'autres prélèvements sont également réalisés sur des canards domestiques sentinelles, vivant dans le poulailler de la station biologique. Les échantillons de fiente seront ensuite analysés par l'Institut Pasteur à Paris.
"Pour l'instant, il n'y a pas à s'inquiéter", assure M. Gauthier-Clerc. "Etant donné l'apparition de cas très loin à l'Est et compte-tenu de la virulence du virus H5N1, le risque que des canards malades puissent arriver ici est très faible car ils seront morts bien avant", ajoute-t-il. "La grippe aviaire a certes déjà tué des humains, mais il faudrait aussi s'inquiéter de la grippe humaine qui tue chaque année des dizaines de milliers de gens sans que cela ne provoque de panique", tempère encore le chercheur.
Du côté des écologistes, le discours se veut moins rassurant. "Le principe de précaution voudrait qu'on s'aligne sur les Pays-Bas en optant pour le confinement des volailles d'élevage, même si pour les éleveurs, le coût serait phénoménal ", estime Alain Moussu, président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Pour M. Moussu, lui-même vétérinaire, "la réalité est alarmante. Cela me fait penser à Tchernobyl, car je vois mal comment empêcher des oiseaux migrateurs contaminés d'arriver en France, soit de façon naturelle soit par le trafic légal ou illégal d'animaux".