"Les résultats expérimentaux observés pour le bio servent aussi aux agriculteurs traditionnels", assure Jean-Jacques Le Bris, agriculteur et président de la commision bio au sein du comité régional des fruits et légumes. Parcelles tirées au cordeau, petits fanions rouges plantés en terre en tête de rang avec le nom de la variété expérimentée : à la station de Pleumeur-Gautier, près de Lannion (Côtes d'Armor), la moitié du budget de recherches pour les légumes de plein champs est affectée au bio. Pourtant, celui-ci ne représente que 2% de la production de la coopérative du secteur. Christian Porteneuve, responsable de la station, ne manque pas d'exemples prouvant que l'expérience des "bios" sert l'agriculture classique. "En matière de prophylaxie, les "bios" n'ont pas beaucoup de moyens d'intervention. Ils ne peuvent pas traiter aux insecticides comme le fait habituellement l'agriculteur. Ils ont donc appris à gérer le problème autrement, en privilégiant les équilibres naturels", souligne-t-il. "Les agriculteurs conventionnels constatent qu'on peut réussir des cultures saines et productives sans utiliser d'insecticides. Ce qui va à l'encontre de leurs pratiques habituelles qui sont d'abord motivées par la crainte de perdre leurs productions", affirme le technicien. Autre domaine, le brûlage thermique : utilisé à l'origine par les producteurs bio pour se débarrasser des mauvaises herbes, il commence à se substituer aux herbicides en agriculture classique pour certains productions légumières, comme les artichauts, constate M. Porteneuve.
Ces passerelles entre deux modes différents de production sont facilitées quand agriculteurs "bio" et "conventionnels" se retrouvent au sein des mêmes instances professionnelles, considère Jean-Jacques Le Bris. Depuis la fin des années 90, il a, comme une vingtaine d'autres producteurs de la région, progressivement reconverti l'ensemble de son exploitation en cultures bio. Mais ses collègues et lui-même sont restés membres des structures -comme la coopérative- auxquelles ils adhéraient précédemment sans rejoindre de groupements constitués exclusivement de producteurs bio. "Il n'y a pas d'antagonismes avec nos collègues "conventionnels". Ils nous voient travailler et nous avons leur respect. Il y a de l'échange entre nous", assure le responsable agricole. Christian Porteneuve estime que l'adoption par l'agriculture classique d'innovations venues du bio est une tendance durable : face à la montée des problèmes environnementaux, "il est vraisemblable que le nombre de molécules autorisées en agriculture se réduise. Les méthodes alternatives pourront alors se révéler très intéressantes pour l'agriculture conventionnelle".