Cette extension renforce les craintes de voir l'homme touché, en cas de contact direct avec des volatiles, voire le risque d'une pandémie de grippe humaine redoutée depuis plusieurs années par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Les oiseaux migrateurs pourraient très certainement transporter le virus dans le reste de l'Europe, a déclaré jeudi le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) Bernard Vallat. Des foyers de grippe aviaire apparaîtront certainement dans les prochains mois en Afrique, avait averti la veille Joseph Domenech, chef des services vétérinaires à l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), s'inquiétant du manque de moyens pour réagir sur ce continent. Il n'est pas étonnant, étant donné les phénomènes de migration des oiseaux, que des foyers apparaissent actuellement en Turquie voire en Roumanie, avait-il précisé, ajoutant que "des problèmes plus importants se poseront quand le virus touchera des pays qui n'ont pas les moyens pour réagir, notamment en Afrique".
Dans les pays de la vallée du Rift, notamment l'Ethiopie, le Kenya et la Tanzanie, l'arrivée d'oiseaux porteurs du H5N1 "n'aurait rien de surprenant entre décembre et le printemps prochain", selon ce responsable de la FAO. Les Balkans et le Delta du Danube se trouvent sur le trajet des oiseaux de Sibérie qui se rendent en Afrique pour y passer l'hiver. "Des risques directs sur l'Europe de l'Ouest peuvent venir dans un second temps au printemps 2006", selon le directeur adjoint de l'OIE Jean-Luc Angot, à condition que les oiseaux de Sibérie croisent en Afrique leurs congénères d'Europe de l'Ouest qui hivernent aussi sur ce continent. Il n'est toutefois pas exclu, a mis en garde jeudi Bernard Vallat, "que certains oiseaux migrateurs puissent arriver dès maintenant dans un pays de l'Union européenne", invitant les éleveurs à faire en sorte que les oiseaux migrateurs n'aient pas de contacts avec les poulets ou canards d'élevage.
A la FAO, le même appel à la vigilance est lancé aux éleveurs pour éviter le développement de nouveaux foyers de grippe aviaire. Et Joseph Domenech invite les Etats à accroître les moyens de lutte contre l'épizootie, pour éviter que des mutations du virus H5N1 permettent l'émergence d'un virus grippal très pathogène et transmissible d'homme à homme. "Si l'on distribuait 10% des sommes qu'on engage dans la recherche de vaccins humains à la lutte contre la maladie chez l'animal, on aurait déjà mis fin au problème", a-t-il assuré mercredi.
Tout en invitant à "ne pas s'alarmer à chaque fois" qu'un cas de grippe aviaire est signalé chez des oiseaux, un expert de l'Institut Pasteur, Jean-Thierry Aubin, reconnaît que l'apparition du H5N1 d'origine asiatique en Europe entraîne "une augmentation du risque" pour l'homme. "C'est quand même un virus aviaire qui se transmet beaucoup plus facilement que les autres à l'homme" et qui "s'est montré beaucoup plus agressif", souligne-t-il. Le virus H5N1 est le "meilleur candidat" pour provoquer une éventuelle pandémie de grippe humaine, mais d'autres virus aviaires de sous-type (H7, H9) pourraient aussi en être la cause. En cas de départ d'épizootie de grippe aviaire en Europe, le risque de transmission à l'homme serait moindre, selon cet expert, "que ce qui se passe en Asie tous les jours où énormément de H5N1 circulent" et où "les paysans ne sont pas protégés". "La diffusion de l'épidémie animale, c'est par les oiseaux migrateurs, la diffusion d'un virus pandémique, ce sera par les hommes, or les canards ne prennent pas les avions", relève-t-il. D'où la nécessité, martèlent la FAO et l'OIE, de "mettre le maximum de fonds dans la lutte contre la maladie animale" pour la supprimer à la source et éviter une éventuelle pandémie humaine, insistant sur la nécessité de dédommager les éleveurs.
