Comme ses prédécesseurs, le négociateur en chef de l'Union européenne, fait l'expérience de la "sensibilité" française en matière agricole. Paris, qui a mobilisé 14 pays membres "amis de la PAC" (politique agricole commune), a obtenu vendredi 14 octobre de la présidence britannique de l'UE la tenue mardi d'une réunion extraordinaire du conseil des ministres des Affaires étrangères.
M. Mandelson, qui devait accompagner à Washington José Manuel Durao Barroso pour une rare visite d'un président de la Commission européenne à la Maison Blanche, se rendra à la place à Luxembourg. Le principal négociateur européen a fait contre mauvaise fortune bon coeur en se félicitant, dans un communiqué, d'avoir "l'occasion de poursuivre l'exercice de transparence vis-à-vis des Etats membres et de les assurer que la conduite des négociations par la Commission se fait à l'intérieur de son mandat". "Il s'agit d'une tension habituelle avec la France", alors que la négociation agricole, clef du succès du cycle de Doha de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), entre dans une phase cruciale, fait observer une source communautaire. Bien que Français, Pascal Lamy, prédécesseur de Peter Mandelson et aujourd'hui directeur général de l'OMC, avait dû faire face à une offensive de même nature en juillet 2004, avant et pendant les discussions qui aboutirent à Genève à débloquer le cycle en concluant un accord-cadre sur le volet agricole. Cette fois-ci, l'ire de Paris a été provoquée par les offres chiffrées présentées cette semaine en Suisse par la Commission, en réponse notamment à l'affichage des propositions américaines.
En s'interrogeant sur le respect de son mandat par le principal négociateur européen, la ministre française du commerce extérieur Christine Lagarde avait été d'une grande prudence, ne soulevant précisément qu'un seul point, celui des produits sensibles. Ces produits, sélectionnés selon une formule agréée par l'OMC, conserveraient un niveau de protection tarifaire plus élevé, avec toutefois un plafonnement à 100% dans la proposition européenne. "Sous réserve de vérification d'un certain nombre de chiffrages, il semble que le commissaire Mandelson, dans sa dernière proposition qui concerne notamment les produits sensibles, est allé à la limite ou au-delà de ce qui avait été fixé par une ligne rouge", avait dit la ministre. Vendredi, les résultats de ces chiffrages n'étaient pas disponibles auprès des responsables français. "Le mandat n'est pas un tableau chiffré", rappelle toutefois un expert communautaire. Adopté pour la première fois en 1999 par le conseil des ministres européens, reconfirmé à plusieurs reprises depuis, le mandat pour ce cycle de négociations fixe des objectifs généraux, tels que la préservation de la PAC réformée ou le parallélisme de l'effort de réduction des subventions entre l'UE et les Etats-Unis.
"La Commission a toujours une marge de manoeuvre mais le dernier mot reste toujours au conseil (les Etats membres de l'UE, ndlr). Il faut laisser faire la Commission, c'est une question de confiance", explique cette source. On sait d'expérience à Bruxelles que Paris n'accorde cette confiance que du bout des lèvres. C'est pourquoi, "à toutes les étapes de la négociation, il y a un contact permanent avec les Etats membres, notamment ceux qui ont des préoccupations particulières, ce qui est le cas de la France", expliquait jeudi une source communautaire. A Genève, Mme Lagarde avait estimé mardi qu'il n'y avait pas eu "de consultation suffisante" entre M. Mandelson et les Etats membres. Selon une source communautaire, le commissaire aurait pourtant pris soin d'appeler la ministre française avant de faire ses nouvelles propositions.