Les achats de volaille dans les grandes surfaces en France ont chuté de 20% entre samedi et mercredi dernier, par rapport à la même période de l'an dernier, a indiqué jeudi le président de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) Jérôme Bédier, en marge d'un colloque de la FCD sur la loi d'orientation agricole. La chute de la consommation est presque plus massive que lors de la première crise la vache folle en 1996, où les achats de boeuf avaient baissé de 10% à 20% pendant quelques semaines, se rappelle Louis Orenga, directeur du Centre d'information des viandes (CIV). Mais elle reste moins spectaculaire qu'en 2000, lors de la réapparition de la vache folle, où elle était tombée "pendant quelques semaines à -40%", a précisé à l'AFP M. Orenga. Pourtant, les "deux crises sont très différentes", relève Jérôme Bédier. "Là, l'ensemble des informations scientifiques sont connues" alors que la transmission de l'ESB (encéphalite spongiforme bovine) tant de la vache à l'homme qu'entre animaux reste partiellement inconnue, souligne-t-il. De plus, "il y a des réactions en temps réel des pouvoirs publics", estime M. Bédier.
Pour Louis Orenga, la presse, pour l'instant seule source d'information des consommateurs, est aussi plus précise. Mais tous les professionnels regrettent que la presse se focalise déjà sur une possible épidémie humaine si le virus mute. "Pendant la crise de la vache folle, on ne savait rien et on a annoncé la maladie en 1996 alors que le mal était fait", note Jeanne Brugère-Picoux, professeur à l'école vétérinaire de Maisons-Alfort. "A l'inverse, ici, on intervient alors qu'il n'y a rien ! On a affaire à une maladie animale, qui a tué une soixantaine de personnes en Asie sur deux milliards en deux ans, et qui n'est pas arrivée en France", ajoute-t-elle. Autre différence capitale, l'ingestion d'animaux malades de vache folle s'est révélée dangereuse, alors que la grippe aviaire ne se transmet pas par voie orale, selon les experts.
Mais la réaction des consommateurs ne surprend pas pour autant les observateurs. "Il est tout à fait normal qu'à partir du moment où le consommateur reçoit une information d'alerte, il ait des doutes", estime Louis Orenga. "Il faut faire comprendre qu'il n'y a pas de risque à manger du poulet!", s'exclame-t-il. "Les Français sont beaucoup plus enclins que leurs voisins européens à être inquiets, et ils n'ont pas du tout confiance dans le discours des pouvoirs publics. En France, on écoute d'abord son petit commerçant, son voisin, qui a des informations floues", juge Pascale Hébel, directrice du département consommation au Credoc.
Pour Jeanne Brugère-Picoux, "on a tellement parlé de cette grippe et en montrant des stocks de Tamiflu que les gens ont fait l'amalgame avec la grippe humaine". A terme, comme pour la vache folle et la viande de boeuf, la consommation pourrait cependant revenir à son niveau antérieur rapidement "si les gens sont sûrs que ça ne va pas revenir", juge Mme Hébel. "Si on explique suffisamment, les gens devraient revenir à des comportements plus mesurés", espère-t-elle.