"L'Europe a tiré les leçons de ce qui s'est passé pendant la crise de la vache folle", assure une source européenne, rappelant les "dizaines" de lois adoptées par l'UE sur la sécurité animale et la santé depuis 1996. Le 20 mars 1996, la crise de la vache folle avait éclaté lorsque le gouvernement britannique avait reconnu l'existence d'un lien "possible" entre l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) et l'apparition d'une nouvelle forme de la maladie humaine de Creuzfeldt-Jackob. Il y a eu des "progrès" depuis cette époque, estime également le Premier ministre belge Guy Verhofstadt, qui salue en particulier la création l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) en 2002.
Au sein de la Commission européenne, les dossiers de la santé animale et de l'agriculture ont été séparés pour que les risques sanitaires ne soient plus exclipsés par d'éventuelles pressions économiques du monde agricole. La Commission, appuyée par un comité d'experts vétérinaires des Etats membres qui se réunit régulièrement, a aussi désormais le pouvoir de suspendre la mise sur le marché de produits qui peuvent présenter un danger pour la consommation. Dès l'apparition des foyers de grippe aviaire en Russie, Turquie ou Roumanie, elle a ainsi immédiatement interdit les importations d'oiseaux et autres produits issus de la volaille venus de ces pays. La Commission a ainsi choisi d'appliquer le principe de précaution, au risque de provoquer la panique dans la population. Dans le dossier de la vache folle, elle avait en revanche été violemment critiquée pour n'avoir décrété l'embargo sur le boeuf britannique qu'en 1996. Et pour avoir attendu 1994 pour interdire l'utilisation pour l'alimentation animale des farines carnées vraissemblablement responsables de l'épizootie apparue au Royaume-Uni en 1986. "Ca sert toujours, les crises", commente Joseph Daul, président de la commission agriculture au Parlement européen, qui souligne malgré tout que ces deux événements ne sont pas comparables.
Certes, la volaille, qui avait profité de la désaffection des consommateurs européens pour la viande bovine, est à son tour victime de la méfiance du public. Mais "on ne peut pas comparer des pommes et des poires", martèle une source européenne. "La crise de la vache folle a commencé quand la possibilité de transmission à l'homme est devenue publique. Aujourd'hui, nous sommes uniquement dans une crise animale, c'est différent", continue cette source. "Aujourd'hui, il n'y a pas de risque alimentaire", assure de son côte M. Daul. Le virus de la grippe aviaire, même le H5N1 qui a tué une soixantaine de personnes en Asie depuis 2003, ne résiste pas à la cuisson. D'autre part, l'ESB est née au sein même de la Communauté européenne, alors que pour l'instant toutes les mesures contre la grippe aviaire sont préventives, la présence du virus H5N1 venu d'Asie n'ayant pas été confirmée sur le territoire de l'UE. Les tests préliminaires sur un échantillon grec suspect se sont en effet révélés négatifs cette semaine. Le H5N1 n'a pour l'instant atteint que la Roumanie et la Turquie. "En plus, il y a beaucoup plus d'espoir aujourd'hui de trouver une solution médicale", conclut Joseph Daul. Les laboratoires planchent en effet sur la mise au point d'un prototype de vaccin et les Etats membres ne cessent d'augmenter leurs stocks d'antiviraux pour se préparer à une éventuelle pandémie. En revanche, il n'existe toujours ni vaccin ni traitement contre la forme humaine de la maladie de la vache folle.