"Nous devons profiter de cette période pour écouler notre production locale!", lance entre deux aller-retour dans son poulailler, Ulrich Gbèzonnoudé. Comme lui, les aviculteurs du Bénin ont décidé de profiter du début de l'épizootie de grippe aviaire en Europe pour déverser leur production sur le marché qui consommait de manière prioritaire la volaille et les oeufs venus d'Europe, curieusement moins chers. A Cotonou, la métropole béninoise, une poule importée vaut 1.150 CFA (1,76 euro) le kg contre 2.000 FCFA pour une poule locale. La consommation de la production locale est en nette hausse: "J'ai pu vendre ce mois-ci 350 têtes de poulets de chair alors qu'avant je n'arrivais même pas à atteindre 100 têtes par mois", explique Jeannot Amoussou, propriétaire d'une ferme dans la banlieue-est de Cotonou. Depuis septembre, les oeufs importés, notamment des Pays-Bas, que l'on trouvait à tous les carrefours à Cotonou, au prix de 1.350 CFA (2 euros) les 26, ne se vendent plus.
Selon le ministère de l'Agriculture béninois, la production quotidienne locale est estimée à environ 1 million d'oeufs frais. Mais le Bénin ne peut pas se passer d'importation et selon une étude sur la filière avicole au Bénin publiée en juillet dernier par le ministère de l'Agriculture et de l'élevage, "les besoins réels d'importation varient entre 10.000 et 15.000 tonnes de viande de volaille alors que les importations représentent 80.000 tonnes par an". Toutefois une part importante de ce volume est destinée à être ré-exportée dans la sous-région légalement ou frauduleusement, notamment vers le géant de la zone, le Nigeria et son marché potentiel de 130 millions d'habitants.
Mais ces bénéfices immédiats de la grippe aviaire ne signifient pas que le pays est à l'abri de l'épizootie. Selon le vétérinaire Steven Kholl, qui effectue des recherches sur les espèces migrantes dans le parc W au nord Bénin, "il n'y a pour le moment pas le feu à la maison, mais si jamais les oiseaux migrateurs infectés traversent la Méditerranée, aucun pays d'Afrique occidentale, voire d'Afrique centrale, ne sera épargné". "Nous mettons à présent en place des équipes de veille qui doivent procéder à l'analyse de prélèvements effectués dans les fermes et au contrôle des abats de volaille qui viennent de l'extérieur, afin de faire une surveillance épidémiologique permanente", explique à l'AFP le ministre de l'Agriculture, Fatiou Akplogan. La souche asiatique du virus H5N1 a fait une soixantaine de morts depuis son apparition en Asie du Sud-Est en 2003. Pour l'instant aucun cas n'a été détecté au Bénin, mais la présence du virus a été confirmée en Turquie et en Roumanie la semaine dernière.