"Nous sommes conscients des pressions qui s'exercent en faveur d'une certaine baisse des prix. Toutefois, nous ne pouvons pas accepter une réduction qui est injustifiable tant elle est excessive et qui affecte le plus brutalement les parties concernées les plus vulnérables", a expliqué l'ambassadeur George Bullen (Caraïbes orientales), président du groupe consultatif sur le sucre des ACP. "Une réduction nette de 19% sur huit ans (...) serait parfaitement compatible avec les obligations de l'UE à l'OMC, même si la Commission affirme le contraire", a-t-il affirmé dans un communiqué. Imposée par la condamnation à l'OMC (Organisation mondiale du commerce) du régime actuel, sur plainte de l'Australie, du Brésil et de la Thaïlande, la réforme sucrière est à l'ordre du jour d'un Conseil des ministres de l'Agriculture, qui s'ouvre le 22 novembre et pourrait tourner au marathon. La commissaire européenne à l'Agriculture Mariann Fischer Boel veut absolument obtenir le feu vert du conseil avant la conférence ministérielle de l'OMC de Hong Kong en décembre. Mais les producteurs ACP, qui craignent qu'une réforme trop radicale les prive du traitement préférentiel dont ils bénéficient actuellement sur le marché européen, ont lancé vendredi un avertissement. "Si nous continuons à sentir que nos préoccupations sont ignorées, nous pouvons anticiper de fortes répercussions à Hong Kong et au-delà. L'UE ne peut pas espérer des progrès à Hong Kong au détriment des ACP", a menacé l'ambassadeur Bullen. Les producteurs ACP, des petites îles où le secteur sucrier a un poids économique très lourd, demandent aussi que l'aide financière à l'adaptation au nouveau régime sucrier aille au-delà des 40 millions d'euros promis par l'UE en 2006, alors que la Commission a prévu de débourser cette même année 5,7 milliards pour compenser les pertes de revenus des betteraviers et sucriers européens.
Jeudi soir, après une rencontre avec le président de la Commission européenne José Manuel Durao Barroso, les dirigeants des organisations agricoles européennes COPA et COGECA avaient exprimé "leur espoir que le Conseil des ministres de l'Agriculture modifie considérablement la proposition de la Commission". Ces propositions sont "trop ambitieuses en ce qui concerne les baisses de prix et complètement insuffisantes en termes de compensation pour les pertes de revenus des betteraviers", avaient-ils affirmé. Le même jour, les ONG Oxfam et WWF, qui plaident la cause des pays en développement dans ce dossier politiquement emblématique, avaient rappelé que l'UE s'apprête à "déverser dans les huit ans à venir le montant ahurissant de 17 milliards d'euros en argent du contribuable" au bénéfice des betteraviers et sucriers européens. Pour ces ONG, la Commission serait même prête à aller plus loin "afin d'acheter un accord" au Conseil des ministres de l'Agriculture. Le régime sucrier de l'UE, jugé illégal par l'OMC, a conduit à imposer sur le marché européen des prix trois fois supérieurs aux cours mondiaux, une situation dénoncée par les industriels utilisateurs de cette matière première.