Le président français Jacques Chirac devait proposer mercredi à Paris à Angela Merkel de maintenir la relation priviligiée qui le liait à son prédécesseur social-démocrate Gerhard Schröder, à moins d'un mois du sommet européen de Bruxelles, les 15/16 décembre, qui planchera sur les finances de l'Europe à 25 pour la période de 2007/2013. Ce thème du budget, qui préoccupe au plus haut point une Allemagne étranglée financièrement, sera au centre de l'étape d'"Angie" le même jour à la Commission à Bruxelles, qu'elle complètera par un détour au siège de l'Otan, afin de manifester l'attachement atlantiste de l'Allemagne. Dès jeudi soir, elle sera à Londres pour rencontrer le Premier ministre Tony Blair, président en exercice de l'UE, dont elle avait apprécié en juillet le discours devant le Parlement européen, pour ses propositions sur la modernisation et la réallocation des fonds de l'UE.
Mme Merkel, devenue chancelière, est tenue de respecter le traité de coalition entre sociaux-démocrates et conservateurs, qui prévoit notamment que l'Allemagne en reste à l'accord d'octobre 2002 sur la réforme de la politique agricole commune (PAC). Il ne peut donc s'agir pour Merkel de remettre sur la table cet accord comme le voudrait Londres, pour redéfinir le financement de l'UE. "L'Allemagne a promis à la France de rester sur la ligne définie, la marge de manoeuvre de Merkel pour se poser en médiatrice entre Londres et Paris est réduite", estime la chercheuse Ulrike Guerot, du German Marshall Fund. A l'issue d'une rencontre lundi à Berlin avec Mme Merkel, le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, a prévu une grande continuité dans la politique européenne de l'Allemagne, et a affirmé que le couple franco-allemand resterait un "accélérateur" pour le développement européen. La chancelière et son ministre social-démocrate des Affaires étrangères, Franz-Walter Steinmeier, sont un "bon duo pour l'Europe (...) Ils sont des Européens convaincus qui ont des idées claires sur les questions les plus difficiles", a-t-il dit mardi à la chaîne publique ZDF.
Le nouveau ministre de l'Intérieur, Wolfgang Schäuble, a prévenu que le gouvernement allemand ne pouvait pas à la fois entreprendre des économies drastiques en Allemagne et relever ses contributions au budget européen. Mme Merkel a plaidé dans une interview à l'hebdomadaire Die Zeit pour davantage d'orientation politique dans l'UE. "Il importe (...) de montrer clairement qu'il existe une volonté de se mettre d'accord sur quelques sujets, par exemple les perspectives financières pour ces prochaines années", a ajouté la future chancelière, dans un appel indirect à ses pairs --dont Londres- à être constructifs au sommet de décembre. Mme Merkel, comme son prédécesseur, s'en prend à l'excès de règlementations de la Commission: "Qui décide si on a besoin d'une directive sur la teneur en sucre des confiseries ?", a ironisé la chancelière. A Londres, Mme Merkel --"qui pense plus +britannique+ que Gerhard Schröder, ne peut et ne veut pas être comparée" à la Dame de fer Margaret Thatcher, souligne Ulrike Guerot. "Son message principal sera que la Grande-Bretagne est très importante pour l'Allemagne, au regard de ce qui y a marché, par exemple en matière de marché du travail", ajoute-t-elle.