La clé de la proposition, que doit présenter la présidence britannique lundi, à dix jours du sommet des 15 et 16 décembre à Bruxelles, serait une réduction de 10% des aides régionales aux dix Etats ayant adhéré en 2004 (soit 16 milliards d'euros) ainsi qu'une baisse des fonds pour le développement rural. Le tout aboutirait à une économie de près de 25 milliards d'euros et ramènerait le budget autour de 1,03% du PIB européen contre 1,06% dans le projet de compromis de juin de la présidence luxembourgeoise, déjà sensiblement inférieur à la proposition initiale de la Commission européenne. "Ce n'est pas un secret que le Royaume-Uni et d'autres Etats membres voulaient un budget plus petit", a expliqué une source britannique, sans vouloir confirmer officiellement les chiffres. "Dans tous nos contacts avec les nouveaux adhérents, il est clair que ce qu'ils veulent le plus, c'est la certitude qu'ils peuvent programmer les dépenses", a ajouté cette source.
Autrement dit, les Britanniques pensent que les nouveaux Etats membres, pressés de recevoir les fonds promis pour financer le rattrapage de leur retard économiques, seraient prêts à abandonner une partie de leurs aides en échange d'un accord en décembre. Londres exploiterait, cyniquement ou habilement selon les points de vue, la proposition faite par les dix à la fin du sommet de juin, qui avaient à la dernière minute proposé de renoncer à une partie de leurs aides pour sortir de l'impasse, à la "honte" du Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, à l'époque président en exercice de l'UE.
Le Royaume-Uni avait alors rejeté tout compromis, estimant que les propositions luxembourgeoises revenaient à lui faire payer les demandes des uns et des autres, notamment les réductions des contributions demandées par les Pays-Bas et la Suède, qui avaient aussi bloqué l'accord. La réduction des dépenses proposée par les Britanniques entraînerait automatiquement une diminution des contributions des Pays-Bas et des Suédois, ce qui atténuerait la pression sur la remise en cause du rabais britannique.
Cela permettrait aux Britanniques de garder la majeure partie de leur rabais comme moyen de pression en vue d'une future révision du budget, qu'ils réclament à cor et à cri, et notamment de la Politique agricole commune (PAC), déjà fixée jusqu'à 2013. "Je comprends parfaitement les besoins des pays d'Europe de l'Est qui veulent un budget. Mais si les gens veulent un accord qui nous conduise à abandonner le rabais sur la PAC, il faut des réformes fondamentales de cette politique, c'est aussi simple que ça", a ainsi déclaré le Premier ministre britannique Tony Blair mardi devant la Chambre des Communes.
M. Blair va effectuer cette semaine une tournée express en Europe de l'Est durant laquelle il doit rencontrer sept des dirigeants des dix nouveaux Etats membres, qui ont montré pour l'instant une opposition résolue à ces projets. "Ce que le Premier ministre Blair propose maintenant est inacceptable", a déclaré le chef du gouvernement hongrois, Ferenc Gyurcsany. Selon lui, il serait préférable d'attendre la présidence autrichienne à partir du 1er janvier, mais il est peu probable que les Britanniques soient alors plus flexibles. "Je n'exclus pas que les nouveaux Etats membres acceptent, mais les autres devraient refuser que la contribution britannique soit la seule à être épargnée", estime une source diplomatique française. "On nous dit qu'il faut moderniser le budget (...) mais l'unique chose que l'on ne modernise pas et que l'on ne change pas, c'est le chèque britannique", a renchéri le secrétaire d'Etat espagnol aux Affaires européenne Alberto Navarro.