Le gouvernement de Tony Blair a présenté mercredi un nouveau projet de compromis, qui ne comporte que des changements mineurs par rapport à sa précédente copie rejetée à la quasi-unanimité, et n'offre aucune concession nouvelle sur le fameux rabais dont bénéficie Londres. "Ce n'est tout simplement pas suffisant", a dénoncé le président de la Commission européenne, José Manuel Durao Barroso. Il a jugé "crucial" pour les chefs d'Etat et de gouvernement des 25 de parvenir à s'entendre. "Une absence d'accord enverra un message très négatif aux citoyens, un message que l'Europe est dans l'impasse et ne peut pas faire de progrès", a mis en garde M. Barroso.
La plupart des Etats membres ont fait écho aux critiques du patron de l'exécutif communautaire. L'Allemagne a estimé que la proposition britannique n'était "pas tenable". La France a affirmé qu'elle n'offrait "pas une base pour un accord acceptable pour tous". Le chef de la diplomatie française, Philippe Douste-Blazy, a dénoncé à nouveau l'"anomalie historique" du rabais. Il a accusé Londres de ne pas être "prêt à assumer sa juste part du fardeau financier" de l'élargissement. La Pologne, le plus important des dix nouveaux Etats membres, a averti qu'elle mettrait son veto à la proposition actuelle "si elle reste en l'état". "Tout y est minimaliste et ne nous satisfait absolument pas. C'est dommage", a déclaré le Premier ministre Kazimierz Marcinkiewicz. Le Premier ministre lituanien Algirdas Brazauskas a lui aussi jugé le projet britannique inacceptable. La Belgique a elle critiqué un "manque d'ambition". Les moins négatifs ont encore été les Pays-Bas, dont la préoccupation majeure est de voir leur contribution au budget diminuer, et l'Espagne. Les deux pays ont évoqué des petits "pas dans la bonne direction", encore "insuffisants".
Le nouveau budget proposé par le Royaume Uni pour 2007-2013 représente une enveloppe globale de 849,3 milliards d'euros (1,03% du PIB communautaire). Il n'augmente que de 2,3 milliards d'euros par rapport à sa précédente version, qui taillait de près de 10% dans les aides aux nouveaux Etats membres. Selon cette proposition, le rabais britannique continuera à augmenter. Londres accepte simplement de modérer cette hausse, et de perdre 8 milliards d'euros sur un total estimé entre 50 et 55 milliards d'euros sur la période 2007-2013.
Le sommet de Bruxelles est le deuxième consacré cette année par les dirigeants des 25 au futur budget de l'UE. Le précédent, fin juin sous présidence luxembourgeoise, avait capoté devant l'inflexibilité de Tony Blair. Le Premier ministre britannique conditionne une révision de la ristourne dont son pays bénéficie depuis 1984 à une refonte totale du budget, pour réduire les dépenses agricoles. Celles-ci ont été fixées fin 2002, jusqu'en 2013, par un accord auquel la plupart des 25, emmenés par la France, refusent de toucher.
"Il n'est pas réaliste maintenant d'avoir, pendant ce Conseil européen, une négociation sur un lien explicite entre le rabais et la politique agricole commune", a estimé mercredi M. Barroso. Il s'est toutefois dit "sûr que ce ne sera pas la dernière proposition" de la présidence britannique. Le secrétaire au Foreign Office Jack Straw a répété que son pays préférait "pas d'accord plutôt qu'un mauvais" accord. Mais M. Blair, dont le seul résultat à la tête de l'UE a été l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie, sait qu'il joue jeudi et vendredi le bilan de sa présidence. "On en est encore au stade des amuse-gueules", a ironisé un diplomate européen.