A quelques heures de l'ouverture du sommet de Bruxelles, plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement ont demandé instamment au Premier ministre Tony Blair de faire des concessions substantielles, notamment sur le fameux rabais britannique, par rapport à sa proposition de la veille. Le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker a appelé le Royaume-Uni à "prendre sa juste part du coût de l'élargissement". "Il faut davantage réduire le mécanisme du rabais (...) et il faut aussi mettre à la disposition des nouveaux Etats membres des volumes financiers plus importants que ceux qui figurent dans la proposition britannique", a-t-il ajouté lors d'une réunion des dirigeants conservateurs du Parti populaire européen (PPE).
A la pression de M. Juncker s'est ajoutée une lettre commune des ministres des Affaires étrangères français et polonais publiée dans le Financial Times, affirmant que la proposition britannique ne pouvait "pas être la base d'un accord". Dans l'avion qui l'amenait à Bruxelles, le Premier ministre polonais Kazimierz Marcinkiewicz a confirmé que la Pologne et la France avaient décidé de faire front commun sur ce dossier. Paris a "un énorme rôle à jouer parce que c'est justement la France qui, jusqu'à présent, est opposée à la majorité des idées britanniques", a déclaré M. Marcinkiewicz.
Tony Blair et Jacques Chirac devaient avoir l'occasion de se jauger mutuellement lors d'un tête-à-tête, dès l'ouverture du sommet. Le président français devait également s'entretenir avec la chancelière allemande Angela Merkel, considérée comme une médiatrice potentielle. M. Blair, qui a fait un saut au Parlement européen de Strasbourg avant d'arriver à Bruxelles, n'a fait aucune déclaration. Mais selon le chef du groupe socialiste au Parlement européen, Martin Schulz, qui a participé à un déjeuner avec M. Blair, le numéro un britannique n'était pas d'humeur à lâcher du lest. Interrogé sur les chances que M. Blair fasse de nouvelles concessions, il a répondu : "Non, je ne peux pas l'imaginer".
Le Premier ministre slovaque Mikulas Dzurinda a été l'un des rares à prendre parti pour M. Blair. Il a estimé que la proposition britannique présentée mercredi constituait "une bonne base pour les négociations finales" sur le budget communautaire. Ce budget 2007-2013 est crucial pour aider les nouveaux pays d'Europe centrale et orientale entrés dans l'Union en 2004 à rattraper leur retard sur les Etats membres plus anciens. Il doit aussi redonner un souffle à l'UE, doublement sonnée cette année par les rejets de la Constitution européenne en France et aux Pays-Bas, puis par l'échec en juin dernier d'un premier sommet consacré au budget, sous présidence luxembourgeoise.
Pour le Premier ministre belge Guy Verhofstadt, la querelle budgétaire illustre le manque d'ambition des Européens depuis les "non" français et néerlandais à la Constitution. "On a commencé une période de réflexion, mais on dirait une sieste espagnole! Période de réflexion devrait quand même vouloir dire que le cerveau fonctionne, alors que j'ai l'impression que, dans l'Union européenne, cela signifie que le cerveau doit rester bloqué pendant un certain moment", a-t-il ironisé. La présidence britannique a proposé mercredi un budget européen 2007-2013 de 849,3 milliards d'euros, soit 1,03% du PIB communautaire, alors que le Luxembourg prévoyait 22 milliards d'euros supplémentaires (1,06%). Le grand reproche fait aux propositions de M. Blair tient au fameux rabais dont le Royaume-Uni bénéficie depuis 1984, à une époque où il était beaucoup plus pauvre qu'aujourd'hui.