Dès son arrivée, Tony Blair, qui joue le bilan de six mois de présidence britannique de l'UE, a prédit des négociations "très dures, "très difficiles". Il a jugé leur issue "très incertaine". Les tractations n'ont pas attendu l'ouverture officielle de la réunion pour s'engager en coulisses. Lors d'un bref tête-à-tête, le président français Jacques Chirac a répété à M. Blair qu'il conditionnait tout accord à une révision définitive du rabais dont le Royaume-Uni bénéficie depuis 1984 sur sa contribution aux finances communautaires. Il a indiqué au Premier ministre britannique que Paris, en première ligne des opposants à ses propositions, voulait un accord, "mais que cet accord doit être juste et que chacun doit prendre sa juste part au financement de l'élargissement", selon le porte-parole de l'Elysée, Jérôme Bonnafont.
Le président français a renouvelé cette position lors d'entretiens séparés avec la chancelière allemande Angela Merkel, considérée comme une médiatrice potentielle, et le chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero. Mme Merkel s'est engagée devant la presse à "tout mettre en oeuvre pour faire du mieux que nous pouvons". "Mais on ne peut pas dire aujourd'hui si on arrivera ou non à un accord", a-t-elle ajouté. "Nous avons besoin d'un accord mais pour cela il faut qu'il se passe encore pas mal de choses. Nous devons nous rapprocher des Britanniques et les Britanniques de nous, alors cela passera mais cela peut ne pas passer", a affirmé de son côté le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker. Le chancelier autrichien Wolfgang Schüssel, qui succédera le 1er janvier à Tony Blair à la présidence de l'UE, a été plus optimiste. "J'ai l'impression que nous avançons, progressivement, peut-être lentement, mais... que nous avançons dans la bonne direction. Ce dont nous avons besoin maintenant, c'est d'une Europe unie et pas d'une Europe divisée et je pense que tout le monde sait cela", a-t-il déclaré à la presse.
Tony Blair est soumis à une double pression très forte : d'un côté, de nombreux Etats membres lui demandent de renoncer à une partie substantielle du fameux rabais britannique; de l'autre, son opinion le pousse à ne rien lâcher, les eurosceptiques ayant déjà fustigé ses premières concessions. Dans sa proposition de mercredi, le Royaume-Uni n'a accepté qu'une légère diminution du rabais : celui-ci continuerait à croître, mais les Britanniques toucheraient 8 milliards d'euros en moins entre 2007 et 2013. Londres suggère un budget européen 2007-2013 de 849,3 milliards d'euros, soit 1,03% du produit intérieur brut communautaire, alors que la précédente présidence luxembourgeoise de l'UE prévoyait 22 milliards d'euros supplémentaires (1,06%).
Plusieurs dirigeants ont appelé jeudi M. Blair à améliorer sa copie. "Nous avons besoin d'une nouvelle proposition qui comporte des améliorations pour les nouveaux Etats membres et cela peut être financé par des coupes dans le rabais britannique", a déclaré le Premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen. Un accord budgétaire à 25 est crucial pour aider les nouveaux pays d'Europe centrale et orientale entrés dans l'Union en 2004 à rattraper leur retard sur les Etats membres plus anciens. Il doit aussi redonner un souffle à l'UE, doublement sonnée cette année par les rejets de la Constitution européenne en France et aux Pays-Bas, puis par l'échec en juin dernier d'un premier sommet consacré au budget, sous présidence luxembourgeoise.
Le Premier ministre suédois Göran Persson a néanmoins tenu à dédramatiser l'hypothèse d'un échec, en affirmant que l'Union avait encore du temps devant elle pour adopter son budget 2007-2013. "Nous devons nous en tenir à l'idée d'avoir une bonne solution plutôt que de nous laisser coincer dans une impasse et nous forcer à trouver une solution lors de ce sommet", a-t-il déclaré.