Ce trafic alimenterait 90% du marché, estime le ministère de l'Ecologie. Il menace la survie des esturgeons dont les oeufs servent à fabriquer cette denrée recherchée et dont les populations ont décliné jusqu'à 70% pour certaines espèces dans les dernières décennies.
D'après le ministère de l'Ecologie, chargé du suivi des espèces menacées, entre 100 et 500 kg de caviar sont saisis chaque année en France, principalement dans les bagages des voyageurs venant de Russie, dont certains servent de courriers à des "réseaux de revente parfaitement organisés". Au niveau européen, près de 12 tonnes de caviar importées illégalement ont été saisies en six ans (2000-2005) en Suisse et dans les 25 membres actuels de l'Union européenne, selon Traffic, une organisation non gouvernementale spécialisée.
Durant cette période, les principales saisies ont été opérées en Allemagne (2,2 tonnes), en Suisse (2 tonnes), aux Pays-Bas (1,9 tonne), en Pologne (1,8 tonne) et au Royaume-Uni (1,6 tonne), précise Traffic (www.traffic.org). En 2005, elles devraient totaliser 1,7 tonne et être inférieures au record de 2003 pour les 26 pays considérés (3,7 tonnes). D'une manière générale, elles varient considérablement d'une année sur l'autre. La France est avec l'Allemagne le plus gros importateur de caviar de l'UE-25, indique encore Traffic.
Sur les 1.205 tonnes de caviar importées légalement à l'échelle mondiale entre 1998 et 2003, la France compte pour 18% et l'Allemagne 15%. Au total l'Union européenne s'adjuge la part de lion du marché mondial (45%) devant les Etats-Unis (24%), la Suisse (14%) et le Japon (10%). Les principaux exportateurs sont l'Iran (430 tonnes exportées légalement entre 1998 et 2003), la Russie (285 tonnes) et le Kazakhstan (85 tonnes). Sont également vendeurs la Chine (27 tonnes), la Roumanie (23 tonnes), l'Azerbaïdjan (15 tonnes), la Bulgarie et les Etats-Unis (13 tonnes chacun). Les esturgeons ont été inscrits en 1998 dans les annexes de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction). Deux espèces figurent à l'annexe I de cet accord de l'ONU, qui interdit tout commerce de ces poissons et de leurs produits.
Les 25 autres sont à l'annexe II (commerce contrôlé). Les espèces les plus recherchées proviennent de la mer Caspienne, notamment le Beluga Huso huso, un poisson qui peut vivre 100 ans et peser plus de deux tonnes. Les autres bassins de production sont l'Amour, le Danube, la mer Noire, la mer d'Azov et les Grands lacs. La contrebande représente une valeur inestimable par rapport aux quelque 100 milliards de dollars annuels du commerce licite, relevait en 2001 le secrétariat de la CITES. La même année, la CITES observait que la désintégration de l'URSS avait mis fin à la "bonne collaboration" entre le régime soviétique et l'Iran pour contrôler le braconnage des esturgeons et la criminalité organisée qui profite de ce trafic.
Selon le ministère de l'Ecologie, l'accord conclu en 2001 dans le cadre de la CITES entre pays riverains de la mer Noire pour contingenter les prises d'esturgeons a "favorisé le développement de filières illégales". "Aujourd'hui, moins de 10% du caviar présent sur le marché serait d'origine licite", souligne le ministère. Le prix de ce mets de luxe varie de 220 à 870 euros les 125 grammes chez Pétrossian, le célèbre négociant parisien (www.petrossian.fr).