Début des négociations d'adhésion de la Turquie et de la Croatie en octobre, réforme de la politique sucrière communautaire en novembre, accord en décembre sur le budget 2007-2013, sur le règlement "Reach" relatif au contrôle des substances chimiques ou encore sur le stockage de données téléphoniques: après des débuts poussifs, le bilan de la présidence britannique est plus qu'honorable, estiment la plupart des experts.
Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a lui même parlé d'une "excellente" présidence. Mais après six mois durant lesquels les Britanniques ont présidé 4 653 réunions européennes, selon un décompte du quotidien The Independent, le bilan peut paraître pâle par rapport aux attentes soulevées par M. Blair.
Lors d'un discours passionné devant le parlement européen en juin, il s'était en effet fait le croisé visionnaire d'une Europe modernisée pour relever les défis de la mondialisation, retrouvant "sa force, son intérêt, ses idéaux et par là-même son soutien parmi ses peuples". M. Blair, qui insistait il y a 6 mois sur la nécessité d'une réorientation fondamentale du budget en faveur de la science et de la technologie, refusant toute remise en cause du "rabais" britannique sans réexamen de la politique agricole commune (PAC), a finalement accepté de le raboter de 10,5 milliards d'euros sur 7 ans.
Cette ristourne obtenue il y a 21 ans par Margaret Thatcher est sacro-sainte aux yeux des britanniques. M. Blair a consenti ce sacrifice contre la simple promesse d'un réexamen de l'ensemble du budget à l'horizon 2008-2009, y compris les dépenses de la PAC. "Six mois après avoir appelé à une nouvelle approche en Europe (...) on se souviendra de la présidence britannique comme du moment où la Grande-Bretagne a abandonné 7 milliards de livres sans rien obtenir en échange", s'est insurgée l'opposition conservatrice. M. Blair, qui se présente comme un "Européen passionné" n'a pas non plus réussi à convaincre une opinion publique britannique de plus en plus eurosceptique.
Selon un Eurobaromètre publié le 20 décembre, 47% des Britanniques pensent ainsi que leur pays n'a pas profité de son appartenance à l'UE. 37% pensent l'inverse, un pourcentage en baisse de trois points ces derniers mois. De la même façon, les négociations budgétaires et les sacrifices demandés aux nouveaux Etats membres ont entamé le crédit de M. Blair auprès de ces pays qui appréciaient son libéralisme et voyaient auparavant en lui un visionnaire. Dans une Europe toujours en panne de Constitution, certains experts soulignent pourtant que Tony Blair a au moins atteint un de ses objectifs, faire avancer le débat.
"L'idée est de plus en plus répandue quasiment partout en Europe qu'une réforme fondamentale est nécessaire", s'est d'ailleurs réjoui le Premier ministre, après l'accord sur le budget. La page de la présidence européenne tournée, il s'apprête à se recentrer sur les affaires intérieures, pour lesquelles il aura besoin de toute sa pugnacité. Tensions avec son dauphin et ministre des Finances Gordon Brown, progression spectaculaire de conservateurs réinventés par leur nouveau chef David Cameron, fronde interne des députés travaillistes, M. Blair, dont c'est le dernier mandat, s'attend à des moments difficiles. Mais il l'a dit et répété, même si les sondages témoignent de son affaiblissement après huit ans au pouvoir, il a bien l'intention de poursuivre les réformes en matière d'éducation, de santé et de retraites notamment. "C'est dur, je me bats sur tous les fronts mais je prends plaisir à cette bataille" a-t-il récemment confié.