L'infection est "circonscrite dans une province", placée sous quarantaine, et "il n'y a pas de panique superflue à avoir", a déclaré à la presse Fadéla Chaïb, porte-parole de l'OMS à Genève. Les autorités turques ont recensé six foyers avérés ou suspects dans les élevages de volailles de la région, alors que la maladie avait été éradiquée en décembre après une première contamination de volatiles dans l'ouest du pays. Une fille âgée de 11 ans est morte tôt vendredi. Il s'agit du troisième décès imputé à la grippe aviaire en Turquie, où semblent tomber les premières victimes humaines de la maladie hors d'Asie du sud-est. Les trois enfants, décédés en l'espace de cinq jours, sont membres de la même fratrie.
Le laboratoire national d'Ankara a établi qu'ils étaient porteurs d'un virus de grippe aviaire de la famille H5, de même que d'autres personnes hospitalisées à Van. Il reste à vérifier s'il s'agit bien de la souche asiatique du virus H5N1, celle qui a tué 74 personnes et des millions de volailles en Asie du sud-est depuis 2003. Des échantillons ont été envoyés dans un laboratoire londonien du réseau OMS, pour des analyses plus poussées dont les résultats sont attendus la semaine prochaine. Vingt-six personnes, selon les autorités turques, étaient traitées vendredi à l'hôpital de Van pour des symptômes semblables à ceux de la grippe aviaire. Trois d'entre elles étaient dans un état grave.
Les malades sont soignés au Tamiflu, le seul médicament antiviral susceptible d'être efficace contre la grippe aviaire s'il est administré dès l'apparition des symptômes. Une équipe de cinq experts (un virologue, un épidémiologiste, un vétérinaire épidémiologiste, un spécialiste du contrôle des épidémies et un expert de santé publique) devait atteindre Van dans la journée de vendredi, a indiqué l'OMS. Ils devaient tenter de déterminer comment toutes ces personnes ont pu être contaminées dans un laps de temps aussi court. "La première hypothèse de travail, c'est que les enfants ont touché, joué avec des poulets malades et été infectés de cette façon-là", a estimé la porte-parole de l'OMS.
Dans cette région pauvre de la Turquie, extrêmement froide en hiver, les familles vivent souvent sous le même toit que la volaille. C'est par les excrétions des volatiles malades (salive, fientes) que se transmet le virus. La transmission d'animal à humain semblait jusqu'à présent très difficile: on relevait en effet seulement 142 cas d'infections humaines au 30 décembre 2005, pour des millions de volailles atteintes. Les scientifiques n'ont pas réussi à établir pourquoi certaines personnes sont contaminées, tandis que la majorité reste indemne. Les experts examineront aussi l'éventualité d'une contamination inter-humaine, qui signalerait une mutation du virus en une forme adaptée à l'humain et le début d'une épidémie potentiellement catastrophique. Il faut pour cela des analyses très poussées sur la structure génétique du virus. Les scientifiques attendent également la première preuve que c'est bien le H5N1 qui a entraîné mort d'homme. Jusqu'à présent, en Asie du sud-est, les circonstances ne se sont pas prêtées à des recherches d'autres agents pathogènes dans le corps des victimes.