La précédente Commission, dirigée par Romano Prodi, avait effectivement demandé en juin 2004 un audit sur ce secteur clé de l'économie ivoirienne, qui assure à lui seul plus de 15% du PIB de ce pays, a-t-on indiqué de même source. Mais le "projet de rapport", remis il y a trois mois environ aux autorités communautaires, "a été refusé car il ne répondait pas au cahier des charges, qui était de dresser un constat juridique et exclusivement factuel sur la filière", a-t-on indiqué à Bruxelles. "Quand nous allons confronter nos interlocuteurs, il faut que nous ayons quelque chose d'objectif, de factuel et de juridiquement solide", a expliqué cette source. "Si on a un rapport qui commence avec le remerciement aux officiers français, ce n'est pas sérieux, ce n'est pas ce qu'on avait demandé".
La première page de ce rapport, publié intégralement sur le site internet de Libération, contient en effet des "remerciements aux officiers français qui, en mettant en sécurité les experts, ont permis que ce rapport soit établi". Ces remerciements s'expliquent par l'enlèvement, en novembre 2004, des experts envoyés sur place par des hommes en armes, puis "exfiltrés" -- selon le terme utilisé dans le rapport -- par des militaires français. "C'est bien dommage, car nous avons effectivement des interrogations sur ce sujet, mais par ce rapport nous n'avons pas obtenu les informations que nous souhaitions", a-t-on précisé auprès de la Commission.
Le rapport de plus de 200 pages pointe les dérives de la libéralisation de la filière cacao entreprise sous la pression de la Banque mondiale et des bailleurs de fonds internationaux. Les nouvelles structures mises en place pour garantir ce processus -- comme l'Autorité de régulation et de controle du café et du cacao, la Bourse du Café et du Cacao, ou le Fonds de régulation et de contrôle -- "évoluent en dehors de tout cadre légal", selon le rapport. "S'il s'était agi d'échapper à toute procédure juridique de contrôle, on ne s'y serait pas pris autrement", estime-t-il. Toujours selon le rapport, "cette illégalité se double d'une incapacité à remplir les fonctions d'organe de régulation en ce qui concerne le respect de règles nationales et communautaires de la concurrence et de prévention des abus de position dominante".
Le rapport renonce à faire quelque recommandation que ce soit sur les modifications à effectuer dans ces structures. "En raison de la gravité des irrégularités juridiques et institutionnelles", juge-t-il, "les structures actuelles ne peuvent être que liquidées". Ce rapport est révélé alors que la Côte d'Ivoire s'enfonce à nouveau dans la crise avec de violentes manifestations à Abidjan et dans l'ouest du pays.