"Il y a du monde, autant qu'un week-end" pour ce jour de semaine, constate un vendeur de ce supermarché des frères Tang de la rue de Choisy, en plein "quartier chinois" de Paris, ville où vivent une bonne moitié des 400.000 à 600.000 personnes d'origine chinoise de France. Un rayon spécial a été installé dans l'entrée du magasin pour le Nouvel An, où pendent d'innombrables porte-bonheurs rouges, en forme de lanternes, de pétards, à l'image de ceux qui exploseront dans les rues de Pékin dimanche, ou à l'effigie de joviaux dieux de la prospérité.
Des bottes de prunus -- tiges marrons avec des fleurs en boutons -- placées bien en évidence, connaissent un franc succès. "C'est une plante qui est traditionnellement présente dans les maisons, surtout chez les gens du Sud", explique une Chinoise qui repart avec son bouquet. La grande attraction reste les sucreries en tous genres, gros poissons dorés emplis de bonbons ou gâteaux de soja. Surtout, on retrouve presque dans chaque panier des plateaux de fruits confits: gigembres, citrouilles, corossols, patates douces ou tamarins confits. "C'est une période où l'on achète sans réfléchir", explique le vendeur, alors que les palettes peinent à se frayer un chemin entre les clients et que les queues aux caisses s'allongent. "Les gens profitent de la nouvelle année pour acheter des produits de luxe, c'est-à-dire tous les fruits qui coûtent cher à cause du transport", ajoute-t-il en installant dans les rayons des long kong - sortes de lychees - à 7,80 euros le kilo importés de Thaïlande.
A côté, la mangue lilot de la Réunion frôle les 10 euros le kilo. Tang est aussi un importateur de produits exotiques rares, ce qui explique le succès de ses supermarchés parisiens, particulièrement bien approvisionnés en denrées introuvables ailleurs. A l'image des pommes-canelle, petits fruits verts à piquants. "C'est un fruit plein de pépins mais très sucré. Ici, elles sont un peu pâteuses", juge un jeune Asiatique, qui en emporte tout de même quatre. Les fruits exotiques, comme l'étonnant "fruit dragon" ovale, mauve et vert, ou la prune cythère importée du Vietnam seront en bonne place sur les tables du Nouvel An. "On va faire un plateau de fruit, ce qui a une signification particulière: on espère qu'il y aura assez d'argent dans la maison pendant l'année", explique une jeune Vietnamienne, qui fait les courses avec sa mère. Leur famille se réunira pour le repas du Nouvel An. "Le premier jour de l'année, on reste en famille. Il faut attendre pour aller chez les amis, sinon ça porte malheur", poursuit-elle.
Pour le reste, chacun achète selon ses goûts ou sa région d'origine, sans plat incontournable. Telle famille vietnamienne a prévu de préparer du poulet au caramel avec du soja, enroulé dans des feuilles de riz, tandis qu'une cliente chinoise cherche de quoi préparer des raviolis. Un vieux Laotien, qui vit en France depuis 30 ans, a prévu, outre les habituels fruits, un canard laqué typiquement chinois pour l'occasion. "Je fête tout: le Nouvel An français, le chinois mais aussi le laotien, au mois d'avril", lâche-t-il en rigolant.
