"Il est trop tôt pour dire" comment la dangereuse souche asiatique du virus a atteint le Nigeria, où a été découvert mercredi le premier foyer d'infection en Afrique, indique Juan Lubroth, de l'agence des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) à Rome. Comme cela a été prouvé en Chine, en Mongolie ou dans certains pays d'Europe de l'Est, "les oiseaux sauvages peuvent introduire le virus H5N1 dans un pays", déclare à l'AFP le responsable des maladies infectieuses animales à la FAO. Mais, souligne-t-il, "ce sont les humains et les activités humaines de commerce, de marchés et certaines pratiques de production qui font que le virus se répand". Sans compter les "mouvements illégaux d'oiseaux, la contrebande" et même "les personnes qui voyagent sur de longues distances."
Dès le lendemain de l'annonce officielle du premier foyer africain, dans une grosse exploitation du nord du Nigéria, au moins quatre fermes du nord et du centre ont été déclarées infectées et mises en quarantaine. Ces fermes sont parfois distantes de plus de 200 km. Elles sont également "éloignées de plusieurs centaines de kilomètres du bassin de N'Guru" (ouest) et encore davantage du lac Tchad (près de la frontière nord-ouest), seules zones humides susceptibles d'abriter les oiseaux migrateurs aquatiques dans cette région très sèche, remarque Alex Kaat, porte-parole de l'organisation néerlandaise Wetlands International.
Ce sont trois espèces de canards qui pourraient avoir convoyé le virus, précise l'association spécialisée dans l'étude et la protection des oiseaux aquatiques: la sarcelle d'été, le canard pilet et le canard souchet. "Si c'est arrivé jusqu'au Nigeria par les oiseaux sauvages, alors le dernier tronçon a forcément été accompli par la route, dans les camions transportant des poulets vivants qui sillonnent toute l'Afrique", ajoute M. Kaat, interrogé par téléphone.
Depuis que la maladie a commencé à se répandre depuis la Chine centrale, en 2003, il a été avéré que la transmission aux volailles se faisait dans l'eau souillée par les déjections contaminées, souvent par l'intermédiaire de canards domestiques. Mais les spécialistes doivent encore établir précisément "les routes migratoires des oiseaux sauvages, les endroits où ils s'arrêtent, le temps qu'ils y restent" et leur réaction physiologique à la maladie, explique M. Lubroth. Faute de fonds débloqués plus tôt, l'agence de l'Onu commence tout juste à réunir des échantillons prélevés sur des oiseaux morts dans les bassins d'Afrique.
Les premiers résultats seront connus dans cinq à six semaines. Les défenseurs des oiseaux sauvages, qui craignent un abattage des volatiles, font valoir que les plus résistants de ces animaux meurent une semaine après avoir contracté la maladie et doivent avoir succombé pendant le voyage. Mais les espèces recensées sur les bassins humides d'Afrique sont celles que l'on retrouve dans des régions contaminées, autour de la Mer Noire ou en Sibérie. Pour le directeur adjoint de l'Organisation internationale de la santé animale, Jean-Luc Angot, "la contamination du Nigeria démontre que des oiseaux sauvages résistent au virus et sont capables de le transporter sur de longues distances". D'où une "inquiétude accrue pour l'Europe", que les premiers oiseaux migrateurs regagneront dans quelques semaines via le détroit de Gibraltar ou en contournant la mer par Israël.