La Commission européenne a annoncé que les experts de l'UE avaient approuvé sous conditions les plans de vaccination préventive des volailles contre la grippe aviaire soumis la semaine dernière par la France et les Pays-Bas, deux des plus gros producteurs de volaille de l'UE. C'est la première fois qu'une vaccination préventive est autorisée dans l'UE pour enrayer la propagation du virus hautement pathogène H5N1, qui n'a touché jusqu'ici dans l'UE aucun oiseau d'élevage mais s'est déjà traduit par une baisse substantielle des ventes de volailles.
Depuis l'apparition du virus en Grèce il y a 11 jours, seuls des oiseaux sauvages avaient été infectés dans sept pays de l'UE: Grèce, Italie, Allemagne, Autriche, France, Slovénie et Hongrie. Mais mercredi, deux poules qui avaient été placées dans un refuge à Graz, dans le sud de l'Autriche, ont été retrouvées porteuses du virus après avoir vraisemblablement été contaminées par un cygne malade qui y avait aussi été recueilli. Grâce au feu vert des experts, le gouvernement français va pouvoir commencer "immédiatement" la vaccination et la poursuivre comme prévu jusqu'au 1er avril, a indiqué la Commission.
La France avait demandé à pouvoir vacciner 900.000 oies et canards d'élevage dans trois départements de l'ouest du pays, la Vendée, la Loire-atlantique, et les Landes, département réputé pour ses foies gras d'oie et de canard. La date exacte à laquelle la vaccination pourrait démarrer aux Pays-Bas n'a pas été précisée, car le plan qu'ils ont présenté est volontaire. Seuls les propriétaires de volailles élevées en plein air qui ne souhaiteraient pas les confiner sont appelés à procéder à cette vaccination.
Dans les deux pays, l'autorisation de vacciner a été assortie de contrôles stricts, allant au-delà des mesures déjà prévues par les pays eux-mêmes. En particulier, les animaux vivants vaccinés ne pourront pas être exportés, ni dans le reste de l'UE ni vers des pays tiers. Par contre, l'UE, 3e exportateur mondial de volailles, autorise l'exportation normale de la viande et autres produits dérivés des volailles vaccinées, à condition que les élevages concernés aient respecté tous les contrôles prévus et qu'ils aient été inspectés par un vétérinaire 48 heures avant l'abattage.
Ces viandes ne doivent faire l'objet d'aucun étiquetage particulier, ont décidé les experts. Ce feu vert n'empêche pas les pays tiers de déclarer un embargo: ainsi, la Thaïlande a interdit mercredi l'importation pendant 3 mois de toute volaille en provenance des pays européens -- membres et non-membres de l'UE -- où le virus H5N1 a été détecté. Témoin des doutes des scientifiques sur l'efficacité de ces campagnes de vaccination préventive, la décision des experts n'a pas recueilli l'unanimité des 25. Les experts de quatre pays -- l'Allemagne, la Belgique, le Portugal et la Grèce -- se sont abstenus, a-t-on indiqué de source diplomatique.
La principale réserve est due à la crainte que le virus se propage de façon cachée parmi les oiseaux vaccinés, qui pourraient continuer à attraper le virus sans développer la maladie. Certains pays ont aussi fait valoir le manque de données sur l'efficacité de la vaccination chez les volailles autres que les poulets, l'absence de vaccin agréé au niveau européen, ou encore l'absence d'informations sur le moment auquel la vaccination doit s'arrêter.
Le commissaire européen à la Santé Markos Kyprianou a cependant justifié ces mesures, en estimant "nécessaire d'explorer toutes les options possibles pour protéger nos volailles du virus". Le virus H5N1 a déjà fait une centaine de morts dans le monde, tous des gens qui avaient été en contact avec des animaux malades. Les scientifiques redoutent que le virus finisse par muter, pour prendre une forme facilement transmissible d'homme à homme.