"Je souhaitais vivre de mon travail et ne plus dépendre des aides de Bruxelles", explique Jean-Marie Cayla, agriculteur de Cusières (Aveyron) qui s'est lancé en 1987 dans la production de fromages pour l'activité touristique, après avoir exploité une ferme de viande bovine. Petit fromage fabriqué dans les maisons, l'Ecir est désormais vendu chaque jour à 1.000 unités, grâce à une cinquantaine de vaches laitières. Chaque après-midi, les visiteurs peuvent découvrir sa fabrication derrière des baies vitrées. En 1996, M. Cayla s'est associé à un autre agriculteur, Vincent Alazard, désormais en charge de la production de lait. Quatre salariés ont été embauchés. M. Cayla avoue un "goût d'entreprendre" et se réjouit d'être "reconnu localement plus comme une petite entreprise que comme une simple ferme". Signe de l'essor du tourisme à la ferme, encore marginal, la marque de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) "Bienvenue à la Ferme", née en 1988, gagne désormais un adhérent chaque jour depuis un an et demi, à 5.300 adhérents en 2005, contre un tous les trois jours auparavant.
Les zones de montagne, réputées difficiles sur le plan agricole, ont été les premières à développer le tourisme chez l'habitant, selon la fédération des Gîtes de France. Le changement de cap est parfois motivé par la réforme de la politique agricole commune, prévue jusqu'en 2013, date à partir de laquelle l'avenir des aides européennes est incertain. "Quand les aides n'existeront plus, il faudra bien se regrouper ou se diversifier", reconnaît Jacky Creuset, un agriculteur qui a racheté en 1993 le camping de son village, à Boulancourt (Seine-et-Marne), après avoir ouvert en 1981 un gîte rural sur son exploitation. Cette activité extérieure peut représenter une source de revenus non négligeable, dans un contexte de baisse du revenu agricole.
Les revenus extérieurs représentaient 40% du revenu total en 2003, selon une étude récente de l'Institut national de la statistique et des études économiques. Aujourd'hui, le chiffre d'affaires du camping de M. Creuset, équivalent à celui de sa ferme, a triplé, tandis que celui de son exploitation céréalière de 126 hectares n'a cessé de diminuer. Quant à la vente directe des produits de la ferme, pratiquée par 200.000 agriculteurs, elle permet de "reprendre la main sur le circuit de commercialisation" traditionnel, tout en apportant un complément de revenu, explique Marie Besson de l'APCA. Les visiteurs apprécient un accueil "personnalisé" et une "authenticité des produits", selon l'APCA. Outre leur dimension humaine, ces activités permettent de valoriser l'habitat rural qui fait, pour la première fois, l'objet d'un stand au salon international de l'agriculture, ouvert depuis samedi à Paris.
Les Gîtes de France, dont 30% sont proposés par des agriculteurs, investissent chaque année 180 millions d'euros pour rénover les bâtiments. Mais l'hébergement et la restauration n'occupent encore que 2% des exploitants. "Le potentiel est énorme", estime Danièle Küss, secrétaire générale de la Conférence permanente du tourisme rural, installée en 2001 par le gouvernement pour aider les agriculteurs à cette "mutation". La loi de février 2005 sur les territoires ruraux prévoit aussi des mesures d'aides au tourisme rural.