Après Nantes, Lyon et Lille, 35 d'entre eux étaient à Rennes cette semaine, avant d'aller à Strasbourg en juin et Nice à l'automne, à la rencontre de leur clientèle potentielle avec un état d'esprit volontiers provocateur. Dans leur souci de rajeunir leur image, les crus bourgeois bousculent en effet les règles. Ils reçoivent dans des lieux décalés: le restaurant du Stade Rennais à Rennes ou le Lieu Unique à Nantes. "Pas dans des grands hôtels un peu guindés, comme ça se fait habituellement, mais dans une ambiance conviviale", se réjouit Marie-Laure Lurton qui produit trois AOC différentes en Médoc. "Les crus classés, c'est le classicisme: la grande table ronde avec des nappes blanches et de gros chandeliers", ironise Jean-Christophe Barron, vice-président de l'Alliance des crus bourgeois, un syndicat professionnel.
Les crus bourgeois, en revanche, ce sont "des vins qu'on peut boire jeunes ou laisser vieillir en cave", à des prix compris entre 7 et 20 euros. "C'est un rapport cru/plaisir incomparable", assure-t-il. Depuis 2003, un classement officiel des vins du Médoc a été établi par des professionnels. 247 propriétés peuvent aujourd'hui se prévaloir de la mention "cru bourgeois", garantie de qualité, mais la liste pourrait être élargie, un nouvel examen de certains dossiers écartés étant en cours. "On doit se démarquer des grands crus, des vins de luxe qu'on ose à peine ouvrir quand on en a!", estime Mme Lurton.
"Le Médoc est une presqu'île, peu habituée à recevoir des visiteurs. Ca nous donne une image un peu fermée, un peu austère, alors que nous voulons être un vin-plaisir, un vin-partage", poursuit-elle. "On met de la musique pendant les dégustations, du jazz, du blues... On propose des vins en apéritif! Tout ça choque les négociants! Mais le consommateur change et le vin doit s'y adapter", souligne de son coté M. Barron, co-propriétaire de 30 ha dans le Haut-Médoc qui écoule 60% de sa production à l'export.
Dans les dégustations de cru bourgeois, vignerons et clients sont mélangés et non séparés de part et d'autre d'une table ou d'un bar. On n'hésite pas -autre hérésie...- à proposer une flûte de champagne entre les premiers vins servis et les mets accompagnant la suite de la dégustation. "Boire du champagne, ça a choqué aussi les négociants de Bordeaux", s'amuse M. Barron. Mais s'il y a un vin dont nous devons nous inspirer en matière de communication, c'est bien le champagne! Les Champenois ont tout compris du marché du vin: gros négociants et petits vignerons marchent main dans la main pour parler uniquement du terme +champagne+.
Et personne dans le monde n'est parvenu à les détrôner!" "A Bordeaux, on a toujours ignoré ce qui se fait sur le terrain. Il est temps de sortir de ses vignes et de ses chais. Le vin de Bordeaux paie ses erreurs de communication. On ne sait plus vendre des vins qui n'ont jamais été aussi bons", dénonce-t-il.