En ce 21 mars, s'ils sont tous à la commission de la Santé du Parlement, c'est en raison d'un souci commun: une proposition de la Commission européenne de n'autoriser les "allégations nutritionnelles" (comme "riches en fibres" ou "light") qu'à condition que ces produits respectent un certain "profil nutritionnel", sur les contenus en matières grasses, sucre et sel. Pour lutter contre l'obésité, l'idée est d'éviter par exemple que des sucettes se vantent de ne contenir "que 0,5% de matières grasses" alors qu'elles sont composées essentiellement ... de sucre. "C'est un dossier où j'ai connu une intervention forte de l'industrie parce que les allégations nutritionnelles et de santé sont un outil de marketing très puissant", témoigne à l'AFP Paola Testori, directrice générale de la Sécurité alimentaire à la Commission et rédactrice du projet de réglementation en 2003.
Selon un sondage du Bureau européen des consommateurs, 53% des personnes font confiance à ces allégations lors de leurs achats. Aussi de nombreuses sociétés agro-alimentaires se sont elles mobilisées contre la proposition de la Commission. Leur principal argument: "il n'y a pas de mauvais produit, uniquement des mauvais habitudes alimentaires". Preuve de leur influence, de nombreux députés ont repris cet argument et créé la surprise en supprimant, lors de la première lecture en avril 2005, ce "profil nutritionnel" à une courte majorité de 17 voix. Favorables à l'industrie, les élus conservateurs ont été rejoints par des députés allemands du centre et de gauche venus défendre leur confiserie nationale (Haribo, etc), qui emploie 55.000 personnes pour un chiffre d'affaires de 10 milliards d'euros.
"Le salon international de la confiserie se tient chaque année à Cologne et quand il s'agit de défendre leur industrie, les Allemands votent toujours ensemble", résume une source parlementaire. Mais deux mois plus tard les ministres de la Santé des 25, sous forte pression des associations de consommateurs, rétablissent l'article contesté. "Le Conseil snobe le Parlement, c'est une honte!", tonne la conservatrice allemande Renate Sommer. Mais les députés savent maintenant qu'ils devront négocier un compromis avec les ministres.
Ce 21 mars 2006, lors du vote en deuxième lecture, la socialiste allemande Dagmar Roth-Behrend donne le ton d'emblée: "cette disposition (du profil nutritionnel) est stupide, erronée, dangereuse. Mais elle est là et il faut maintenant la rendre plus digeste et éviter le pire". Cette fois, l'obligation du profil nutritionnel est adoptée par 34 voix contre 23. Immédiatement suivie par le vote de quelque 250 autres amendements, dans lesquels même les fonctionnaires de la Commission ont du mal à se retrouver.
Après examen, ils découvrent que certains amendements sont directement inspirés par des groupes de pression: le lobby vinicole franco-italien a ainsi obtenu que les boissons alcoolisées gardent la possibilité d'utiliser des allégations nutritionnelles. On ignore encore lesquels de ces amendements seront retenus par les ministres des 25. En attendant un nouveau vote des députés en plénière à la mi-mai, certains lobbies veulent continuer à adoucir le texte alors que d'autres jugent la bataille terminée. "On ne fait plus de lobbying actif car il y a un moment où il faut tenir compte de la réalité", admet Noëlle Vonthron, de l'association de distributeurs Eurocommerce.