"Ce n'est pas parce que le confinement est levé que la consommation va reprendre", s'inquiète Eric Toulgoat, directeur des "Fermiers d'Argoat" qui regroupe 150 éleveurs de volailles de plein air estampillées "label rouge".
Le poulet label et certifié représente 24% de la production nationale, selon l'Office national interprofessionnel des viandes et de l'élevage (Ofival). Les 76% restants sont du poulet standard, dont plus des deux tiers partent à l'exportation, vers l'Union européenne ou les pays tiers. Après avoir connu une baisse de consommation de "15 à 20%", la filière label espère finir l'année "avec une baisse qui n'excéderait pas 10%". A condition que le confinement "ne recommence pas à l'automne" lors du prochain survol de la France par les oiseaux migrateurs, insiste M. Toulgoat.
Dans l'immédiat, le groupement table, pour remonter la pente pendant l'été, sur la venue des touristes qui "font confiance aux produits bretons".
Chez les "Fermiers de Loué", avec ou sans confinement, l'ambiance est davantage à l'optimisme: "nos ventes sont revenues à la normale depuis trois-quatre semaines, ce qui prouve que la baisse de consommation n'était pas liée au confinement", assure Yves de la Fouchardière, directeur général.
Les producteurs d'oeufs bio n'ont pas enregistré de baisse de consommation durant la crise mais ils accueillent avec soulagement la levée du confinement. "On a eu des problèmes de comportement avec les volailles confinées. Ce sont des animaux qui ont des habitudes", relève Laurent Flouriot, responsable d'un groupement de producteurs d'oeufs bio, "Agrobio Europe".
Mais la levée du confinement n'apporte aucune réponse aux problèmes de la filière export, la plus touchée par la crise de la grippe aviaire. Celle-ci a entraîné la fermeture de la plupart de ses marchés traditionnels -une quarantaine de pays hors UE-, qui ont décrété un embargo sur les exportations françaises, à l'exception notable de l'Arabie Saoudite et du Koweït.
"Cette levée ne fait pas partie de nos préoccupations", déclare Jean-Pierre Garion, éleveur et président du groupement des Monts d'Arrée. Le poulet export, élevé en intérieur, est un produit congelé qui ne trouve pas preneur sur le marché français, ni même européen, où les consommateurs sont demandeurs de produits frais.
"Ce qui est important pour nous, c'est d'obtenir la levée de l'embargo sur nos produits décidé par les pays importateurs, comme vient de le faire Bahreïn", souligne M. Garion.
Les effets dévastateurs de la crise sur la filière export continuent de se faire sentir: filiale du groupe Unicopa -deuxième exportateur français après Doux-, l'abattoir Tilly-Sabco de Guerlesquin (Finistère), qui emploie 500 salariés, fonctionne en mai-juin à 10% de sa capacité (330.000 poulets/jour).
De même, la société de génétique Hubbard vient d'annoncer la suppression d'une cinquantaine d'emplois sur 300. 80% de ses poussins d'un jour sont en effet exportés vers des pays qui ont placé la production française sous embargo.
La levée du confinement "est quand même une bonne nouvelle, tout en sachant que ça n'aura pas d'effet pour nous. Sauf si on le fait savoir à l'étranger et si ça redonne confiance à nos marchés traditionnels", lâche M. Garion.
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