Sur préconisation d'un rapport d'expert, les autorités ont effectué début août un lâcher exceptionnel de 400.000 m3 dans la Charente depuis la réserve de Breuil Magné, une opération qualifiée de "goutte d'eau dans l'Océan" par François Patsouris, président de la section conchylicole de Poitou-Charente, pour qui "absolument rien n'est résolu sur le fond". L'eau douce de la Charente, et dans une moindre mesure de la Seudre, est vitale pour les ostréiculteurs, particulièrement en cette période de captage (ndlr: opération consistant à récupérer les naissains, larves d'huîtres): elle draine les nutriments nécessaires au développement des phytoplanctons, qui nourriront à leur tour les huîtres.
L'ostréiculture en Charente-Maritime, activité pluri-centenaire, représente une production moyenne de 50.000 tonnes par an, selon le directeur de la section régionale Laurent Champeau, et 50% des huîtres commercialisées en France, pour un chiffre d'affaires estimé à 250 M EUR. L'origine du problème, récurrent depuis la sécheresse de 2003, viendrait de ce que "l'eau des rivières ne coule plus", indique M. Patsouris en estimant que la ressource "est confisquée en amont, privatisée" et "n'est plus un bien commun", en allusion au partage de l'eau entre ostréiculteurs et agriculteurs. "J'en veux à l'Etat, pas aux agriculteurs (ndlr: la région Poitou-Charente compte de nombreux producteurs de maïs, culture très irriguée)", précise-t-il toutefois. Il s'agit "de modifier les règles de partage", poursuit M. Patsouris, demandant à l'Etat "de jouer son rôle d'arbitre" entre les différents utilisateurs.
Pour autant, "croire que c'est le débit de la Charente qui joue sur le taux de salinité" du bassin, c'est aller un peu vite en besogne, pour Francis Boizumault, vice-président de la chambre d'agriculture et producteur laitier, qui cultive quelques hectares de maïs et de luzerne pour ses bêtes. "Les agriculteurs ne se sentent absolument pas coupables", affirme-t-il, depuis des années, "c'est l'agriculture qui a le mieux maîtrisé sa consommation". Il y a dix ans, on consommait "120 millions de m3". Cette année, "on atteindra peut-être 70 millions". "Nous sommes conscients du rôle que nous jouons", ajoute-t-il, plaidant pour "une maîtrise de la consommation (ndlr: par des recherches sur de nouvelles variétés, la rationalisation des pratiques) et la création de nouvelles réserves", parce que sans eau, "il n'y a plus d'agriculture", or "chez nous, c'est 30% des emplois".
Compréhensif, Jean-Pierre Suire, ostréiculteur et président du groupement qualité Marennes-Oléron juge que les agriculteurs ont des exploitations "à faire tourner". "Ils ont été emmenés à l'irrigation par l'Union européenne", seulement à présent "il faut comprendre qu'il est temps de modifier les comportements", ajoute-t-il.